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60 millions de social-traîtres

« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)

Chier dans le café

« J'ai eu quelques désillusions avec Son Excellence Nguyen van Hô.
— Pas étonnant. Il appelle habileté ce qui n'est que de la peur.
Une gentille araignée tissant sa toile pour attraper des mouches
là où il faudrait des filets d'acier pour prendre des requins !
Il mange à tous les râteliers. Nous avons fait de lui un bon
radical-socialiste. Ou un P.S.U. aux trente-six positions.
En France il pouvait encore faire illusion, plus ici. »

Jean Lartéguy, Enquête sur un crucifié

 

Ah, le bon dimanche soir. Hésitation, pas longtemps, entre Inland Empire (trois heures d'arnaque arty en DV, a priori) et Blood Diamond, plus court et puis on a faim. Ça nous laisse le temps de manger avant.

Les diamants de Max Havelaar, donc. Et comment ! Bons acteurs, Jennifer Connelly en tête ; DiCaprio transformé en Rambo, rien de moins, et c'est assez étonnant parce que là aussi, il assure. Le scénario est débile, mais on ne s'ennuie pas. « C'est narratif, au moins », se dit-on en pensant au dernier Lynch que les potes subissent dans la salle d'en face (il faudra voir leurs faces déconfites de pourtant fans, à la sortie, pour être convaincu de ne s'être pas trompé). Oui, ça narre, sans lambiner. C'est peint à la truelle, avec des conteneurs entiers de bons sentiments et niveau cinéma des plans bien signifiants au cas où on n'aurait pas compris l'idée derrière la réplique du colonel mercenaire : « Si cette terre est rouge, c'est à cause de all the blood that was spilt over it ». Bingo, à la fin du film, bouclage de boucle : la poignée de sable gorgée du sang qui coule entre les doigts, elle est bonne, man, c'est dans la boîte. Depuis le coup du crachat dans Titanic, je n'avais rien vu de plus lourd — il faut bien avouer que je fuis ce genre de films depuis belle lurette. Il semblait que DiCaprio aussi, mais non, tiens, le voilà dans une bouse au napalm, c'est un peu un pas en arrière après tant de chefs-d'œuvre authentiques. (Il demeure un acteur assez fascinant.)

Ensuite, vient le générique, absolument honteux. On y apprend qu'en goguette chez Chaumet, il convient de s'assurer que le diamant qu'on a choisi pour Bobonne est bien conflict-free ! (C'est-à-dire que le diamant ne contient pas de guerre en lui, comme les chewing-gums sugar-free ne contiennent pas de sucre. Rassure-toi, cochon de consommateur : tu as beau être un demeuré carriériste et mettre tous tes jolis principes à la poubelle vingt fois par jour, il t’est encore possible de racheter ta conscience dans les zones les plus troubles de l’espace marchand. Aucun négro n’a été tué lors du trafic de ce rubis. Ta pouffe, de toute façon, ne se pose pas la question. Mais tu peux t'estimer soulagé, et toujours de gauche, donc tranquille.)

Une autre boucle, très franchouillarde, conjoncturelle, est donc bouclée ; on en revient au porridge écœurant de bons sentiments, de conseils et de paternalisme dont la gauche nous abreuve depuis des lustres. On en revient à la présidentielle. Se bousculent dans mon cortex les images de l'horrible Royal, hier, dans un incroyable numéro d'actrice de troisième zone, de pute-à-crack désespérée, incarnation brute du clientélisme, de la démagogie. J'ai eu presque un peu mal pour les gens qui aimaient encore le PS, même si tout ceci est mille fois mérité, et prévu depuis longtemps. La vérité est cruelle. La candidate est absolument consternante.

Les revirements ces derniers temps sont nombreux, et des gens qui, il y a quelques mois à peine encore, tentaient de me démontrer que Sarkozy était réellement dangereux et que voter Royal était une triste nécessité, une fois les programmes et les CV étudiés de près, changent peu à peu d'avis : la gourdasse stupide semble bien être la pire menteuse des deux, largement aussi dangereuse que le ministre d'État. Je ne peux que leur donner raison. Mais quel triste constat, hein, que ce retard à admettre qu’un parti d'obédience libérale en vaut un autre, strictement. Ensuite, à l'apéritif, la discussion est éminemment politique : c'est-à-dire qu'on parle de la guerre à venir, de nos mollesses, de la fin du capitalisme et de la démocratie tels qu'on les a connus, de l'ère maudite que nous éprouvons, du danger d'un esprit déconnecté des nécessités du corps. Enfin, de politique, au comptoir (le meilleur endroit, bien sûr), surtout pas de l'élection présidentielle, qui est à pleurer.

Dans les cuisines, pendant les soirées mondaines, pourquoi ne pas commencer par chier en douce dans les boîtes de café Max Havelaar ? Souiller à nouveau ces consciences rachetées, dans un soulagement de sphincters et un éclat de rire... Ça vaut bien la poupée barbante de Solférino.

Nikita Calvus-Mons le 13/02/07 à 17 h 31 dans Cinématographique-traître
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Commentaires

Chfé dans le cahier

Ton corps si triste gisant sur cette route,
Que tu vieillis, que tu pâlis, que tu t'encroûtes !
Sans doute lassé par l'indicible biroute,
Ton sexe (centriste) se dit que tu bayroutes !

Alan W. Minc
- Motherfucker of you bitch, Peacock Books

np - 13.02.07 à 21:18 - # - Répondre -

"Inland Empire... arty, DVD"
Oui et alors ? J'ai pas senti les 3 heures. Tu connais Lynch. On croit le connaître. J'y suis allé sans a priori lourdingue, je me suis juste dit "j'espère qua ça sera de la trempe de Lost Highway...". J'ai retrouvé les lapins de Richard Kelly (Donnie Darko), des gueules tordues, des passages, des portes, des trous de souris, des in et out, beaucoup de flashes, et cette lancinante question de la logique du temps au cinéma : compression, retour, boucle, ralenti, etc. L'impression d'être dans le rêve de Lynch et d'y demeurer prisonnier, au risque donc de ne rien comprendre et d'étouffer. Je vais aller le revoir, comme les précédents. Ah oui, Nina Simone en ballet finale, rien que pour ça... Bon, on en reparlera sans doute, ici ou ailleurs.

di folkken - 17.02.07 à 12:39 - # - Répondre -

Re:

Tu en parles bien... Ça ressemble à l'effet que m'avaient fait Lost Highway et même Mulholland Drive adorés sans les piger.

Je ne pige jamais grand-chose, avec Lynch, c'est peut-être un peu là qu'est le problème avec ce dernier opus (que j'irai voir, t'inquiète, même si parler des films qu'on n'a pas vus, pour ton cher Bayard, c'est sans doute important aussi !), le problème donc est que pour moi Lynch fait du beau, du captivant, du fascinant même, soyons fous, avec quelque chose qui oscille en permanence entre l'onirisme et le foutage de gueule — un rêve, ontologiquement, est absurde et se fout de ta gueule —, il y a du surréalisme chez Lynch qui est servi par la somptuosité de l'image, et ce beau-captivant-fascinant-somptueux semble être absent de Inland Empire, because la DV. J'avoue que ça me refroidit. Il me manque a priori un élément fondamental. À l'inverse, j'avais détesté, en son temps, son Histoire vraie, « beau » film débarrassé de tout le surréel, platement bouseux, où Lynch était très mal à l'aise, vaguement réac (mais pas « super-réac », ce qui change tout). En fait, si je n'ai pas le fatras onirique ET le somptueux, je me sens lésé.

Taxi 4, avec Bernard Farcy, ça ne te dit rien ?

60millions - 17.02.07 à 21:42 - # - Répondre -

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