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60 millions de social-traîtres II

« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)

Dérive (2)

Nous enfourchâmes à nouveau les vélos, vers le seul endroit ouvert à notre connaissance dans le coin : le Pub Saint-Germain. Étonnante tanière à beaufs où en maraude ils courtisent la pouffiasse, armés de leur carte bleue, tous les soirs de la semaine. Mais, apparemment, pas aussi tard que nous : la fermeture était imminente. Rendus au pavé à six heures du matin, nous prîmes alors la direction de quartiers moins sordides. Le Zorba et son folklore.

Celui-là nous le quittâmes vers sept heures, après deux ou trois bières. P. avait pris en grippe la tête d'un consommateur, il est vrai désagréable à l'œil. Il me dit à l'oreille : « Regarde, lui, il sent la bagarre. Ces types-là, ça sent la bagarre. C'est toujours eux, tu vois ce que je veux dire ? Ça pue la baston. Ah, la sale gueule ! » Et en effet (était-ce mon opinion aussi ?) le type avait une bien sale gueule, celle d'un con absolument emblématique. Il y en avait un autre, dans le virage du comptoir, à l'entrée du bar : minute après minute sa tête s'enlaidissait de haine et de désir frustré à l'endroit d'une blonde ridicule à énormes lunettes de soleil — rappelons ici l'heure : six heures et demie, soleil caché tout à fait — qui sortait d'un défilé de mode ; nous étions en pleine fashion week. (Auparavant, j'avais demandé à une tablée antipathique, relativement déplacée en ces lieux, selon nos standards : « Mais d'où sortez-vous ? » Ils m'avaient répondu, éberlués par la question : « Mais d'un défilé. » Ainsi, tous ces poseurs et ces gagneuses sortaient de défilés de mode.) Nous quittâmes le Zorba défoncés tout à fait, après un vague malentendu sur l'addition, maudissant B. qui était parti sans payer ; oui nous quittâmes le lieu de néons blafards non sans laisser à la blonde — qui à présent avait laissé tomber ses lunettes de soleil — nos deux numéros de téléphone, simplement pour... quoi au juste nous ne le savons jamais... Le marché de Belleville s'installait, le ciel était bleu roi encore. Nous profitâmes du spectacle, ébahis par la richesse des étals, jamais vue à Paris de mémoire d'animaux nocturnes. J'avais l'impression d'être rendu au Mexique, à Guadalajara, dans ce marché inoubliable, San Juan de Dios, où je m'étais gavé de tacos en compagnie de qui je sais. Un maraîcher nous fit goûter à la grenade, que je trouvai bien fade, mais très jolie une fois ouverte, comme la jeune prostituée thaïlandaise qu'un soir à Bangkok j'avais éventrée. Le fruit comme la pute était rouge sang. Nous continuâmes notre promenade, en quête de crevettes roses.

à suivre

Nikita Calvus-Mons le 07/10/07 à 07 h 12 dans Littéraire-traître
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Commentaires

quelle romance

Mein Gott, tu deviens le BE Ellis de Belleville, le Grand Magnéti-tueur de nos nuits magiques... Tu as oublié les crevettes de l'Aurore... Mais tant pis, tes mots s'assemblent, se dévorent, rien à jeter.

"C'était p't être pas que du vent..."

P. - 07.10.07 à 11:15 - # - Répondre -

Re: quelle romance

Mais non elles arrivent les crevettes (je les annonce d'ailleurs). J'en fais un 3e et je conclus.

Mes aïeux je suis totalement retourné ces temps-ci. Quelle 3e mi-temps.

Y a-t-il en avant sur la passe à Michalak ? (Je pose les questions qui fâchent.)

60millions - 07.10.07 à 19:01 - # - Répondre -

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