60 millions de social-traîtres
« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)
lundi 28 avril 2014
Les enfants et les adultes
« On oublie trop facilement la répulsion physique des enfants pour les adultes. Leur taille gigantesque, leur corps gauche et raide, leur peau rêche et ridée, leurs paupières tombantes, leurs dents jaunes, et les odeurs de renfermé, de bière, de sueur et de tabac que dégagent leurs vêtements ! » (G. Orwell, « Tels, tels étaient nos plaisirs »)
Prendre un enfant dans ses bras après avoir lu ça, c'est pas si facile. Mais ça fonctionne. Il faut croire que le père Orwell devait avoir la descente difficile, le jour où il a écrit ces phrases, ou des souvenirs vraiment crades...
Don Calvus à 20 h 14 dans Littéraire-traître - Lien permanent - 16 commentaires
jeudi 16 mai 2013
11-Septembre
Je lis pour la première fois Bolaño, le must-read, apparemment, de toute une frange de la société dont font partie nombre de mes relations. C'est bien. C'est même très bien, Le Troisième Reich.
Petit problème : il y a un chapitre qui s'appelle « 11 septembre ». Sans majuscule : tous les chapitres sont des dates successives. Entre le 10 et le 12, il y a le 11. Le souci ? La date a du sens. (Beaucoup de sens. Un double sens, même, étant donné que l'auteur est chilien, et que le 11 septembre 1973, comme chacun le sait, ou devrait le savoir, est — aussi, surtout — la date du coup d'État de Pinochet.) On la majuscule souvent, comme on le fait du 14-Juillet ou du 8-Mai.
Du coup, lorsqu'il écrit que les Catalans (le bouquin raconte les vacances anxiogènes d'un Allemand sur la Costa Brava) célèbrent le 11-Septembre, le lecteur exigeant mais néanmoins ignorant des coutumes catalanes, pensant à 2001, se demande s'il n'y a pas là discrète allusion. Et il va chercher la date à laquelle le livre a été écrit. Et il ne trouve pas : les deux copyrights indiqués sont de 2010. Or Bolaño est mort en 2003. Il aurait succombé en 1999, aucun problème ne se serait posé. La seule allusion au 11-Septembre chilien serait possible. Mais voilà, il est mort en 2003. Le Troisième Reich est peut-être le dernier livre qu'il a écrit, après le 11 septembre 2001 ?
Il faut Wikipédia, alors qu'on s'en passerait bien, pour découvrir qu'il l'a écrit en 1989, et que le roman n'aurait été publié qu'en 2010, après avoir été retrouvé dans ses papiers, parmi d'autres textes inédits, en 2009. D'où le copyright 2010 de l'original.
Bien sûr, ça n'a que peu d'importance, pense-t-on. Eh bien si. L'éditeur français devrait au moins, quelque part (aucune mention dans la petite biographie de l'auteur) indiquer en quelle année le bouquin a été écrit. Il ne le fait pas. L'éditeur français est donc un con. La connerie se mesure à la somme de ces minuscules infâmies. En termes mathématiques, c'est l'intégrale des lâchetés quotidiennes. Et non pas une bête question de QI.
Don Calvus à 12 h 44 dans Littéraire-traître - Lien permanent - 4 commentaires
lundi 18 février 2013
Gagner
Lieu décidément étonnant. Après m'être enfin attaqué à l'un des morceaux de choix du roman en gestation — je reculais devant l'obstacle, je l'avoue —, j'ai été boire un café bien chaud dans la cuisine commune, puis j'ai fait le tour de l'ancien couvent. Il y a un harmonium dans une salle : j'en ai joué un peu, c'est un drôle de truc. Il faut pédaler pendant que tu joues du clavier, et tirer ou pousser diverses manettes qui permettent de produire le son d'un basson, d'un cor anglais, d'une flûte traversière. Une sorte de proto-synthétiseur, ou proto-sampleur plutôt.
Ensuite, la « bibliothèque sans bibliothécaire » : de simples étagères remplies de bouquins de philosophie, d'art, de littérature, etc. Et, à côté d'un Bret Easton Ellis et d'une pièce de Camus, cet ovni : Gagner, de Bernard Tapie !
« Aujourd'hui, le défi est clair : d'un côté, une France qui veut se battre ; de l'autre (...) »
Don Calvus à 19 h 38 dans Littéraire-traître - Lien permanent - 1 commentaire
vendredi 23 octobre 2009
Gotcha
Alors comme ça Calvus-Mons ne se foule pas énormément ? J'ai cru lire ça récemment. C'est faux. Calvus-Mons, le Mont-Chauve, se foule. Le pied droit.
Oui, je traîne une tendinite tenace (ce vieil adjectif pourri n'est utilisé que pour l'allitération) depuis quelques mois. Le genre qui se calme quand on change pour quelques jours de paire de chaussures. Le genre lancinant, imprévisible. Peut-être même faux-derche.
Voilà, c'est à peu près tout ce que j'avais à raconter. Je ne sais pas... j'ai ouvert l'éditeur de texte de ce blog en ruines parce que Morrissey chantait Dagenham Dave, un de ses meilleurs morceaux, et que je pensais à G., cet entrepreneur de l'édition sacrément culotté et que j'aime tant, et qui est en train de s'emmerder à un vernissage parisien d'artistes berlinois, et qui hait Morrissey, qu'il appelle avec tant d'humour la Grosse Momo, et...
... oui, j'ai bu. Oui, j'ai pris du sucre en poudre.
Non, ce n'est pas intéressant.
Mais ce n'est pas inintéressant non plus.
Et vous êtes bien attrapés.
Nikita Calvus-Mons à 22 h 11 dans Littéraire-traître - Lien permanent - 9 commentaires
jeudi 22 octobre 2009
Minable à la Bedos
Six mois plus tard je me vengeai sur une Australienne à la fête dite de la musique ; je jouais de la caisse claire avec des cuillères à café sur des tubes du genre B52's quand elle m'aborda décidée comme une putain ; elle avait quand elle souriait largement la même tête qu'une fille somptueuse que je désirais en secret depuis des mois, et je me la suis donc emballée à la Bedos sans réfléchir, ça repose. J'y ai fait le coup de l'alcôve du pont Neuf, je vous le conseille, à chaque fois avec les filles du nouveau monde c'est un succès.
Au lit c'était minable.
Nikita Calvus-Mons à 10 h 59 dans Littéraire-traître - Lien permanent - 0 commentaires
Et
Quand on met le mot « et » en italiques, ce n'est pas toujours très visible ; pas assez de largeur pour affecter la vision. Il faudrait un Stabilo Boss. Jaune. Ou bleu. J'aimais bien le bleu fluo. Il y avait quoi, déjà ? Le rose, le vert, l'orange... C'est tout. Le feutre tenait dans la main comme un couteau ; on surlignait comme au bistouri.
Nikita Calvus-Mons à 10 h 39 dans Littéraire-traître - Lien permanent - 0 commentaires
mercredi 22 juillet 2009
Zéro virgule cinq pour cent
et il y a cette idée qu'une différence d'un demi-point dans la rémunération d'un compte épargne est incitative, ou à l'inverse dissuasive — c'est cette influence supposée que je ne peux concevoir tant je suis étranger à ce monde de petits calculs (on disait d'apothicaire, jadis) puisque si je dispose de mettons dix mille (10000) euros — ce qui est probablement davantage que la moyenne — la différence de cinquante (50) euros promise par l'ajustement du taux en ma supposée faveur est à considérer de mon point de vue comme nulle ; cinquante (50) misérables euros annuels que j'aurai vite fait de flamber au restaurant, ou à l'inverse, si je les « perds » (selon le processus du manque à gagner), de récupérer en vendant à la sauvette un gramme d'un mélange farine-Aspégic à un yuppie largué, devant l'entrée des toilettes du Nouveau Casino. Et donc même si je me rends parfaitement compte qu'il y a une vérité macro-économique là-derrière, son application à ma réalité quotidienne (note de restaurant, gramme de poudre) demeure plus qu'improbable. Y a-t-il des gens qu'un passage de 3,5 % à 4 % incite à épargner ? Ou plutôt : comment vivent ces gens ? That's the question, the horrible question.
Nikita Calvus-Mons à 14 h 42 dans Littéraire-traître - Lien permanent - 7 commentaires
lundi 06 juillet 2009
El Dorado
Je suis dans l'avion, un Boeing 747-400 de la compagnie néerlandaise, KLM. Leurs avions sont laids : bleu clair et blanc. Je profite d'un siège couloir à côté d'une des issues de secours, avec donc toute la place disponible pour mes jambes. En face de moi, l'hôtesse, sur son strapontin spécial take-off and landing, s'étouffe presque de peur au décollage. Un 747 s'arrache certes lourdement mais je trouve cette phobie, chez une hôtesse de l'air, assez peu professionnelle. Après tout, elle pourrait être communicative la phobie et se propager dans nos esprits, à moi et au connard de hipster en tongs Quiksilver qui occupe le siège côté hublot et tente désespérément le coup de la connivence masculine avec moi. Le genre « I love KLM » avec clin d'œil égrillard associé. Sauf que l'hôtesse est belle, certes, mais je n'éprouve aucune envie de la niquer dans les chiottes de cet avion vieillissant où la bouffe est immangeable à un point qui dépasse l'entendement. Je suis seul et romantiquement déprimé : A., dont je ne suis séparé que depuis quelques heures, me manque déjà.
C'est la première fois que je prends un avion long courrier tout seul.
Je reviens de Californie où nous avons passé neuf jours incroyables, bonheur pur suspendu comme le Bay Bridge au-dessus de l'inextricable fouillis d'emmerdes rythmant notre vie quotidienne depuis de nombreuses semaines. Je reviens vers Paris et un contrôle fiscal ; je quitte San Francisco par l'aéroport et par temps frais.
Je rapporte des autocollants « Death Valley » et « Big Sur — Pura Vida ». De la mythique librairie City Lights, à l'angle de Columbus et Broadway, des inédits de Bukowski et Oblivion de Foster Wallace. Nous avons bu deux gin-tonic, la veille, au Sweetie's, petit bar d'habitués de North Beach dont nous avions rencontré la barmaid dans un mariage le week-end précédent. C'est sur Francisco Street, à côté de l'angle avec Mason. Pas loin du San Remo Hotel que tous les guides recommandent à juste titre.
À Bakersfield nous avons bouffé d'énormes côtes de porc BBQ en écoutant du country-blues à tue-tête pendant que des petits vieux dansaient quelque chose comme un square dance ou je ne sais quelle danse folklorique de l'Ouest, dans le Crystal Palace ultra kitsch de Buck Owens, apparemment une star de la country, dont quelques clichés, en compagnie de Johnny Cash ou Schwarzenegger, ornent les pages du menu. Les musiciens jouaient très bien et il n'y avait pas un nègre dans la salle. Et le motel était deux fois moins cher que partout ailleurs précédemment : Santa Cruz (85 « + tax »), Los Angeles deux fois (95), Furnace Creek (85). Bakersfield ? 55. Presque deux fois moins cher. Symboliquement, disons. En arrondissant. Ne vous demandez pas pourquoi je suis un aussi mauvais gérant de petit commerce : j'aime l'arrondi — sous toutes ses formes.
Furnace Creek : l'endroit le plus chaud de la planète, ou pas loin (en fait, il s'agit du bassin de Badwater, à quelques miles). Une chaleur sèche et donc soutenable. 118 degrés Fahrenheit quand nous reprenons le cabriolet, que nous ne découvrons pas encore, pour entamer la remontée vers San Francisco. Je connais par cœur la formule de correspondance entre les deux échelles de température. Enlever 32, multiplier par 5 et diviser par 9, dans cet ordre. En gros, plus de 47 degrés Celsius. Afficher les températures extérieures en Kelvin, sur les tableaux de bord des voitures, ce serait plus drôle : 320,15 K ! En tout cas, quelle que soit l'échelle choisie, il faisait chaud. Des robinets d'eau « froide » (pure convention de plomberie, ici) coulait une eau plus chaude que le mélange déjà quasi brûlant avec lequel je me douche habituellement. Aucune échappatoire. Au resto du resort, plein de glaçons. Je n'ose imaginer la conséquence d'une panne, même temporaire, de machine à glaçons. Où est le dépanneur le plus proche ? C'est le désert, ici, à au moins 150 miles de la ville la moins ridicule qui soit. J'imagine que les dépanneurs viennent de Vegas, ou de LA, en hélicoptère. Je ne vois pas d'autre solution. Des glaçons. Il en faudrait dans la piscine, très agréable par ses dimensions mais trop chaude, bien sûr. Aux alentours de 35 degrés Celsius. Conversion à l'envers : multiplier par 9, diviser par 5, ajouter 32, dans cet ordre. Environ 95 degrés Fahrenheit. « Presque de quoi faire bouillir la piscine », me glisse A. qui a oublié ses cours de lycée. Bien sûr qu'elle n'a pas dit ça : fiction.
Rentré à Paris, la première impression est désagréable : un taxi incompétent et des embouteillages monstres, vu que l'autoroute A3 est remplie de Hollandais et d'Allemands, et saupoudrée de quelques Belges. Tous ces gens du Nord partent en vacances... J'avais oublié ce concept : les grands départs. Je mets le pied dedans en sortant de l'aéroport. Ensuite je me mets au lit et j'enchaîne la vision de There Will Be Blood et Zabriskie Point, nostalgique comme jamais à la vision de ces paysages désertiques et stupéfiants que nous venons à peine de traverser. J'ai adoré traverser la Californie avec A. Adoré la Californie, adoré A., adoré ces jours suspendus, adoré San Francisco.
A. me manque : elle n'est pas repartie avec moi, préférant continuer vers l'ouest, vers la Malaisie, pour un reportage. A. ne vole que vers l'ouest : cela facilite la récupération du décalage horaire. J'aurais dû y penser.
Nikita Calvus-Mons à 18 h 42 dans Littéraire-traître - Lien permanent - 7 commentaires
jeudi 14 mai 2009
Chartreuse, anyone?
La caméra prend la scène de dehors, à travers la fenêtre de la cuisine. Musique : Europa Calling, de Sol Invictus. Quelque chose de triste et nostalgique comme une saga dévoyée. Il ouvre la porte du réfrigérateur, verse un petit verre de chartreuse épiscopale, le descend d'un trait, s'en verse un deuxième, le descend d'un second trait, s'en verse un troisième, une larme au fond du canal lacrymal, qu'il choisira de verser ou non, selon le bon plaisir du scénariste.
Elle perle pourtant : vu qu'il se déteste, qu'il déteste sa faiblesse, qu'il déteste ce qu'il fait. Y compris ce qu'il fait en ce moment même, c'est-à-dire s'apitoyer sur son sort, et ce sans jamais se suicider. Ce genre de complaisance l'a toujours irrité... chez les autres. L'y voici. De la musique choisie, de l'alcool torché comme jamais — pour se mettre minable, au sens propre —, de la déprime savamment entretenue...
Et l'incapacité totale d'en rire, de passer à autre chose, comme auparavant il l'aurait fait, sans avoir besoin d'elle. Il ne peut plus rire de lui sans elle. Alors il se complaît dans la petite douleur minablement sordide de l'instant. Et remet en boucle Europa Calling, morceau sublime et bordel de dieu affreusement triste.
Nikita Calvus-Mons à 23 h 35 dans Littéraire-traître - Lien permanent - 2 commentaires
mercredi 13 mai 2009
Where will it end?
Paris me pèse, nous pèse. En ce qui me concerne, pas la ville en elle-même, dont nous avons dit tant de mal pendant notre séjour en Espagne, alors que nous l'aimons, mais ce qui continue de m'y attendre comme contraintes, inlassables.
Quand je doute, que j'ai peur, que le précipice devant moi m'appelle pour me happer, Paris et la vie que j'y ai (que j'y laisserai un jour) m'insupporte, me réduit misérable, aspirant la vague substance de mon cerveau névrosé.
Vivrons-nous ailleurs, et heureux ? J'aime à le croire.
Un samedi soir à Alicante, sur la terrasse d'amis, nous mangeons du saumon à la japonaise, nous buvons du vino tinto. Tout se passe bien, nous rions à neurones déployés de ce monde dégueulasse (Sarkozy, plus ou moins vulgairement effrayant que Berlusconi ou Aznar ?) lorsqu'elle me tend son téléphone, que souille le message immonde de ce que j'appellerais volontiers un sous-homme si j'étais un poquito certain de ma supériorité ontologique.
Immonde, ordurier ; elle semble ne pas ciller, prendre la chose avec le détachement et la classe qui lui sont consubstantielles. Névrotiquement, j'ai vu tout de suite la grosse faute de français dans l'odieux message : je m'en veux presque, tant c'est le fond qui est à vomir et tant la forme, dans ces cas-là, n'a aucune importance...
Je suis responsable de ses pleurs, elle l'est des miens. Nous pleurons parfois, des larmes salées comme l'addition de nos années de chaos. Je rêve régulièrement d'elle ; je l'admire et je suis dépendant de sa patience, infinie.
Nikita Calvus-Mons à 05 h 35 dans Littéraire-traître - Lien permanent - 0 commentaires