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« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)

Chartreuse, anyone?

La caméra prend la scène de dehors, à travers la fenêtre de la cuisine. Musique : Europa Calling, de Sol Invictus. Quelque chose de triste et nostalgique comme une saga dévoyée. Il ouvre la porte du réfrigérateur, verse un petit verre de chartreuse épiscopale, le descend d'un trait, s'en verse un deuxième, le descend d'un second trait, s'en verse un troisième, une larme au fond du canal lacrymal, qu'il choisira de verser ou non, selon le bon plaisir du scénariste.

Elle perle pourtant : vu qu'il se déteste, qu'il déteste sa faiblesse, qu'il déteste ce qu'il fait. Y compris ce qu'il fait en ce moment même, c'est-à-dire s'apitoyer sur son sort, et ce sans jamais se suicider. Ce genre de complaisance l'a toujours irrité... chez les autres. L'y voici. De la musique choisie, de l'alcool torché comme jamais — pour se mettre minable, au sens propre —, de la déprime savamment entretenue...

Et l'incapacité totale d'en rire, de passer à autre chose, comme auparavant il l'aurait fait, sans avoir besoin d'elle. Il ne peut plus rire de lui sans elle. Alors il se complaît dans la petite douleur minablement sordide de l'instant. Et remet en boucle Europa Calling, morceau sublime et bordel de dieu affreusement triste.

Nikita Calvus-Mons le 14/05/09 à 23 h 35 dans Littéraire-traître
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Commentaires

"I would prefer not to"

… question Chartreuse, s'entend.
Il y a de la beauté, vénéneuse souvent, dans la désolation. Esthétique du néo-paganisme, travaillée depuis la fin du XIXe pour culminer là où on sait et se survivre encore aujourd'hui dans ce sentiment diffus des Européens d'être des vestiges d'eux-mêmes — et donc de se dédoubler en une réflexion sans fin.
Et ce mélange de nostalgie et de catastrophe, de haine et de compassion, d'intelligence irradiante et de décadence reniée crée ce fond aigre-doux, attachant mais si détestable dans sa complaisance, dans lequel baigne tout Européen bien-né — j'entends, tout Européen qui connaît les chemins qui vont de l'Atlantique à l'Oural.
La nécessité de cette tristesse que tu évoques, affreuse aussi parce qu'elle apparaît en contrepoint du désastre qui l'a suscitée, me reste un grand mystère. Comme les rails dans la nuit que filmait Von Trier dans son Europa à lui. Comme l'étonnement accablé dont rendait compte Dagerman dans Notre besoin de consolation est impossible à rassasier.
Il reste quelque chose à boire ?

Lee Beria Jr - 15.05.09 à 16:03 - # - Répondre -

Von Lars

L' amour ça part sur les rails du début d' "Europa", pour arriver dans les larmes de la fin d' "Epidémic".

Bibro - 22.05.09 à 18:49 - # - Répondre -

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