60 millions de social-traîtres
« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)
Dirty Marie-Claire
À chaque fois que je mets la main sur un exemplaire de la presse féminine, je hurle au fascisme : point Godwin pour ma face, je sais, mais quand même. Cosmopolitan, exemple sinistre du complot juvénilo-cosmétique, traîne en ce moment chez moi : pas une page sur des disques, ou des livres. (Oui, je sais, ce serait sans doute encore plus pétri d'ordre moral que Télérama, mais quand même !) La moitié des pages est investie par la franche publicité, l'autre moitié par la publicité subliminale. Maquillage, minceur (criminelles !), maquillage, régimes (assassins !), maquillage. À brûler. Et c'est épais, cette saloperie !
Ce matin, je tombe par hasard sur un test d'aptitude au bonheur réalisé par cette vieille collabo de Marie-Claire (« Et deux points Godwin pour la 17, deux ! »). Il faut répondre « oui » à chaque fois que la testée, enfin, l'accusée, pardon, se reconnaît dans la description d'une situation. Plus le nombre de « oui » est grand, moins l'accusée est heureuse, ce qui coule de source.
On m'objectera peut-être que ça ne marche pas, scientifiquement, avec les hommes. Hi, hi, qu'elle est bête ! Voici les questions de la Police de la peau lisse, auxquelles il est condamnable d'avoir choisi de répondre par l'affirmative :
• Les compliments mettent-ils l'accusée toujours très mal à l'aise ?
• L'accusée égare-t-elle souvent ses affaires (clés, agenda, stylo, lunettes, livre...) ?
• Ces six derniers mois, l'accusée s'est-elle fait (au moins) un gros bobo1 (entorse, fracture, brulûre, etc.) ?
• L'accusée arrive-t-elle souvent en retard à ses rendez-vous2 ?
• L'accusée vit-elle seule3 ?
• Dans les soirées, les fêtes, l'accusée a-t-elle tendance à se demander ce qu'elle fait là ?
• En société, l'accusée craint-elle souvent de passer pour une idiote ?
• L'accusée est-elle très dépensière (ou, au contraire, très économe)4 ?
• L'accusée boit-elle plus d'un verre d'alcool par jour ?
• Quand son médecin lui prescrit des médicaments ou des vitamines, est-il vrai que l'accusée ne les prend pas ?
• L'accusée pense-t-elle que les gens gentils sont la plupart du temps ennuyeux ou sans intérêt ?
Bref, la dictature du bonheur débilitant prospère5.
1Se faire un gros bobo... et ça te fait rire, toi, hein ? Oui, j'avoue.
2Sale pute anticapitaliste ! Nous t'aurons ! Tu sapes les fondements mêmes de l'économie de marché. Le retard fout le boxon. Mais nous t'aurons.
3À l'aliénation du couple, l'accusée a choisi l'aliénation de sa solitude. Femme publique ! tu n'avais pas le choix !
4Admirez la double contrainte.
5Yop, la, boum.
Nikita Calvus-Mons le 06/10/06 à 09 h 43 dans Social-traître
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Commentaires
Y'a Elle
Y'a Elle qui fait une rubrique sur les bouquins. C'est une des publications de presse qui génère le plus de ventes de livres. Les bouquins auxquelles elles accordent des chroniques doivent être propres, évidemment.
monierza - 06.10.06 à 11:30 - # - Répondre -
← Re: Y'a Elle
Ouais, c'est pour ça que je m'étonnais de rien trouver dans Cosmo.
Bon, sinon, y a la presse masculine, évidemment, mais c'est tellement moins répandu que les féminins que c'est moins intéressant. Mais je voudrais pas qu'on croie que je lis FHM, hein.
60millions - 06.10.06 à 13:39 - # - Répondre -
← Re: sans dec ?
Non mais ça va pas ? Y a pas toujours de l'ironie dans ce que je raconte, eh. FHM. T'es fou.
60millions - 06.10.06 à 14:54 - # - Répondre -
← Re: sans dec ?
Ben ça c'est la version d'un certain féminisme expurgé de lutte des classes, je trouve : la femme veut et doit s'intégrer à cette société capitaliste et culturelle-marchande (ouh le gros mot, haha), c'est-à-dire manger des parts plus grosses du gâteau, au lieu d'aider les révolutionnaires (merde, encore un gros mot, mais comment on dit, sinon ?) à la foutre par terre par les armes ou la subversion. Disons que si on considère ça comme un but égalitaire valant le coup, alors on s'appelle Isabelle Alonso, on a des sales dents et je comprends qu'on s'abonne à Elle. Si en revanche on n'a pas envie que la plupart des gens, femmes comprises, rêve de devenir aussi con que Laurence Parisot ou JM Meissier (Messier ?), alors on brûle ces torchons.
VS Naipaul est donc, en conséquence et par implication directe de ce que je viens de dire, une petite pédale.
60millions - 06.10.06 à 15:00 - # - Répondre -
← Re: Re: sans dec ?
Cela dit, l'Iran, tout ça, oui, y a peut-être mieux, comme société, pour les femmes. Je comprends donc cette envie de libération à court terme, et peut-être même que je la prônerais comme une petite tapette naipauliste, mais la seule libération durable et intelligente serait quand même de foutre les religieux à la porte.
60millions - 06.10.06 à 15:03 - # - Répondre -
← Re: petite tapette naipauliste !
Pas loin d'acquiescer mais moi de même, je combats une gueule de bos carabinée (or donc impossible d'argumenter plus loin que le pavé béarnaise que je vais pas tarder à m'enfiler pour te donner une impression bien parigote) . Hier j'ai croisé une fille de 20 ans, allumeuse comme personne, qui écrit comme Henri Michaux. Le genre brillantissime.
Bon, elle sortait avec un type plus vieux que moi. Et elle va écrire des poèmes pour Canal histo. Tout n'est donc pas perdu. Toujours ça que les Allemands n'auront pas ! (pardon, mais j'adore l'expression)
Soignons nos hangovers. Köfte no good.
60millions - 07.10.06 à 12:04 - # - Répondre -