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60 millions de social-traîtres II

« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)

Lost in Translation, c'est le cas de le dire

Les avis fusaient depuis des semaines sur le film, la bande-annonce faisant peur : un mauvais morceau de rock pour un film en costumes situé au XVIIIe siècle, ce n'était pas le moins risqué des partis pris. Moi, je défendais, selon le principe de la présomption d'innocence, ce qui s'avère pourtant être l'un des trois ou quatre pires navets que j'aie subis ces dernières années au cinoche. (Au moins, Vercingétorix était hilarant, lui.)

Que sauver de ce brouet stupide ? Comment ne pas y voir suinter cette bêtise arrogante, particulière à certain type de citoyen des États-Unis, qui permet à une inculte friquée comme Sofia Coppola de traiter par dessus la jambe un sujet aussi ambitieux ?

Les dialogues sont alternativement dits en américain (les « Thank you » texans de Kirsten Dunst sont une véritable torture), en anglais cul de poule (« Oh my goodness ! »), en anglais scolaire matiné d'accent franchouillard à couper au Laguiole, et même carrément en français. Le but de ce mélange linguistique incohérent ? No fuckin' clue. À part le vide conceptuel intégral qui préside à ce projet saccagé, je ne vois pas.

Deux ou trois scènes un brin intimistes (et chiantes, quand même) pourraient, extraites de leur contexte, faire illusion. Après chacune de ces deux ou trois scènes, boum ! la pathétique batterie raidasse des plus grands losers de la new wave donne le ton de la scène suivante : à chaque fois futile et criard. Je jurerais avoir aperçu, en plein montage frénétique style clip, une paire de Converse roses au milieu des escarpins vintage. Trop de rock tue le rock, et un bal du XVIIIe où les neuneus en costumes d'époque guinchent sur un vilain tube disco, c'est simplement n'importe quoi. Vous trouverez bien une grappe de connards pour vous expliquer qu'ils ont trouvé ça audacieux : passez votre chemin sans vous énerver. Ils ont dû aussi trouver très réaliste cette scène où Marie-Antoinette (car c'était elle !) lit du Rousseau dans les champs, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, moi ?

La Révolution est traitée en trois scènes nullardes et authentiquement fausses du point de vue historique — mes souvenirs sont bien loin pourtant, mais précis, et il n'est pas nécessaire d'avoir poussé jusqu'au brevet des collèges pour se rendre compte de l'ineptie du scénario, qui ne va pas m'aider à me guérir de mon anti-américanisme primaire. Il faut voir, pour rire, ces espèces de... tracts, crypto-soixante-huitards, probablement rédigés au marqueur indélébile sur une sorte de scotch jaunasse, genre Post-it, et collés sur un tableau représentant la reine : « Queen of debt ! »... et autres slogans hostiles, que j'ai déjà oubliés. On dirait les anti-pub, c'est touchant. Mais con comme la lune.

Sofia Coppola, qui ne m'a jamais été sympathique, malgré un excellent deuxième film (Lost in Translation), atteint avec ce nanard prétentieux et vulgaire le comble de mon antipathie. Elle n'en a cure, évidemment. En parlant de cure, elle croit pertinent de coller du Cure pendant la cérémonie du couronnement de Louis XVI (Plainsong, morceau d'ouverture de l'album Disintegration : le mot colle parfaitement au projet de cette fille à papa débile). Elle en met aussi sur le générique de fin (qui vient très tard tant en plus d'être mauvais le film est ennuyeux), et c'est All Cats Are Grey, l'un des plus beaux titres du groupe de Robert Smith — a.k.a. Bob l'Éponge — mais je n'ai pas eu le courage de l'écouter sur la puissante sono du MK2 Odéon : la torture s'étant achevée, je me suis tiré comme un voleur de mobylette en ayant la très nette sensation de m'être fait piquer 9,50 euros.

Ce qu'on peut imaginer d'aussi prétentieusement con, comme projet, ce serait un film de Lætitia Masson sur Abraham Lincoln, tout en français à part quelques idiomes ricains toutes les trois minutes pour faire genuine, genre « Shut the fuck up » ou « I mean, like, he's a fucking scumbag », le tout joué par des types causant avec l'accent de Paris, de Marseille, de Bruxelles, de Montréal et de Libreville.

Je me retape Barry Lyndon religieusement dès que possible.

Nikita Calvus-Mons le 30/05/06 à 00 h 56 dans Cinématographique-traître
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