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60 millions de social-traîtres II

« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)

Psychotic reaction

« Toutes les fourmis ont quitté Paris et l'empereur a été crucifié ! », hurlait le type qui buvait au goulot une piquette épaisse dans le genre goudron dilué à l'eau. Jimmy pensa au clochard décrit par Woody Allen, celui qui se promène dans Manhattan, les mains chargées de sacs plastiques crevés, en gueulant des trucs « about socialism ». Il s'écarta, traversa même la rue déserte pour ne pas se prendre un coup, puis pensa encore à Marian, l'Anglaise de Berlin qui l'avait laissé se noyer l'été passé dans une mer de doutes, plonger toujours plus bas, lancer quelques appels désespérés dans les langues de Paul Gascoigne et Harald Schumacher, sans jamais qu'elle ne lève le petit doigt pour le sauver ou au moins éteindre la flamme fragile qui le faisait gémir au téléphone, en juin, encore, et se répandre : « Gib mir wieder etwas schönes... »

Il fallut du temps et du punk à Jimmy, qui picola tout l'automne du gin dans sa Chrysler importée, pour rebondir, comme l'écrivaient les gens dans les magazines positivistes d'Alain Ayache. Que lui voulaient ces badauds ? La paranoïa guettait. Une autre Anglaise, moins somptueusement distante, mais tout autant perclue de doutes, lui indiqua un soir de décembre une porte de sortie, et une grande. Elle frémissait quand il lui disait, replongeant stupidement dans les affres de la passion : « Je suis immortel quand je suis avec toi. » Elle lui avait quand même appris le mot cheesy, il ne savait pas s'il fallait s'en offusquer. Au fond (bien au fond), ils faisaient l'amour. Et puis Kim gémissait souvent « Tu es venu... » Elle était mignonne avec ses traductions littérales et son maquillage outrancier de fille qui se force à devenir sexy, parce qu'on ne lui a pas indiqué d'autre voie. Elle flottait dans sa robe, les talons la rendaient gauche. Jimmy qui ne buvait plus de gin, quand même, entendait souvent sa petite voix lui susurrer « Rentre à la maison, Billy », et même s'il ne s'appelait pas Billy, c'était toujours le même genre de diminutif à la con et il se sentait visé. Les voix insistaient et ça lui faisait mal au crâne. Tout commença à foncer de travers. Il en avait un peu sa claque de Kim qui d'ailleurs, s'avéra-t-il, lui avait menti, elle s'appelait Polly de toute éternité mais comme elle trouvait elle aussi que les prénoms en i grec ça le faisait méchamment pas, elle avait choisi Kim et il ne fait aucun doute que c'est à cette époque que pour Billy les choses commencèrent à dérailler. Il égorgea Kim après une ultime (ultimate, aurait-elle dit) bataille de fous puis se lança sur les routes et se planqua, tant bien que mal, évitant dans les rues jusqu'aux clochards mystiques, comme on le vit. Désormais il se faisait appeler indifféremment Stan ou Nick. Dans sa tête, la voix chantait en mi mineur qu'il y avait une lumière. Qui brillait.

« On avait l'air d'agneaux hurlants, cette nuit-là ! », bavait le clodo en doppler, extirpant Nick de sa rêverie. Stan s'éloignait rue des Lombards en fredonnant tête baissée.

Darling I've fallen
But every bit hurts
The great open skies
Just make it seem worse

Nikita Calvus-Mons le 27/04/06 à 14 h 54 dans Musical-traître
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