60 millions de social-traîtres
« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)
Über-glamour
Elle boit un cocktail étrange et un peu gerbal : bière-vermouth. Le barman, qui ne connaît pas, met du Martini blanc et de la Estrella, et ça lui convient plutôt. En général, c'est cette boisson qui arrose ses repas, plutot salés et relevés : en entrée, patatas ali-oli ; en dessert, invariablement, une boîte de Pringles. Pas de plat de résistance. Un défi à la diététique et à son bide barbouillé.
Au troisième bière-vermouth, dont on cherche tous les deux le nom en vain, je perds un peu le fil, j'ai envie de sucre. Elle parle de la fin du monde, je pense au baiser de Judas, elle me cite par cœur des passages de Maudit manège, je pense à la machine à écrire Olivetti qu'une autre qu'elle m'avait offerte, il y a dix ans.
Elle évoque Madrid, je repense à ce bar à vins de Lavapiés dont j'ai oublié le nom et paumé la carte de visite : on y buvait des rioja ronds et envoûtants en tapant dans des petites tartines de poulpe qui étaient offertes par la maison, comme dans aucun bar parisien. Ça débordait dans la rue, il n'y avait de toute façon qu'une table et puis c'était octobre, l'été indien en Espagne.
Comment s'appelait-il, ce petit rade ? Peut-être qu'elle sait, qu'elle voit, qu'elle me dira...
Mes mains sont ridiculement moites au cinquième bière-vermouth, dans lequel j'ai ajouté un trait d'absinthe pour le rendre encore plus dégueulasse, dégueulasse jusqu'à l'excès, parce que ça hésite encore, ça fait presque Picon-bière, c'est presque tolérable, sans absinthe. Avec, c'est infâme, réellement, et ça me libère. Au huitième, j'ajoute de l'amaretto en me disant que ça va annuler toute cette amertume. Ça n'annule rien d'autre que des neurones, qui se suicident en masse.
Elle me retient par le bras quand je bombarde le caniveau.
Jamais plus, bière-vermouth.
Nikita Calvus-Mons le 18/07/06 à 20 h 25 dans Gastro-traître
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