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60 millions de social-traîtres II

« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)

Une heure de drogues

Un virus pointe le bout de son ribosome, mais trop timidement pour flanquer tout à fait l'homme de l'Est à terre. Mollement abasourdi par la présence dans son poste de télévision de l'animatrice Christine Bravo, l'homme en question, les pieds frigorifiés, surpris par un hiver plus sournois qu'une escadrille de Zéros, avale par deux des comprimés vitaminés en construisant grâce à un tableur informatique des châteaux en Espagne.

Puis Béatrice Schönberg annonce les dernières informations relatives à un remake distordu et sordide de l'affaire Grégory, et un publicitaire satisfait et sans éthique, de l'autre côté de Paris et affalé devant son écran à plasma, perçoit alors la promenade fugace de trois fourmis sur le bout de son gland, conséquence d'une idée germée dans son lobe frontal gauche. Le publicitaire appuie de temps en temps la pulpe de son index droit, comme pour prélever son empreinte digitale, sur une petite enveloppe, ouverte sur la table basse en verre fumé, de papier blanc aux reflets nacrés, qu'il presse ensuite contre sa gencive gauche, sous la lèvre, pour augmenter à nouveau, quand elle retombe trop, la fréquence de fonctionnement de son cerveau, la faisant passer de 100 à 108 Hz. La poudre amère dont il se tamponne les muqueuses est passée il y a sept jours au nez et à la barbe des douaniers de l'aéroport de Roissy (terminal 2F), tapissant par feuilles de vingt grammes l'intérieur de protège-cahiers pas funky pour un sou puisque absolument opaques et aux couleurs délavées, mais plus performants pour le trafic de drogue à visée récréative que les superbes jaquettes lisses en plastique translucide rouge, vert, jaune et bleu qu'il faisait acheter à sa mère aux rentrées des classes, il y a vingt ans, avant de se gausser dès septembre des fils de pauvres au look non étudié dont l'horizon utopique était de, avant la fin de l'année scolaire en cours, porter enfin une doudoune Chevignon et comprendre seul le mécanisme de l'éjaculation — ou plutôt du fait de juter.

L'homme de l'Est de Paris, toujours concentré sur sa version pirate d'Excel, de Microsoft, y alignant des chiffres — en fait, des nombres — en euros, en lignes et en colonnes, qu'il enregistre périodiquement dans un fichier nommé couilles_en_or.xls, est à présent frigorifié des pieds à la tête, car le chauffage n'est pas suffisant chez lui, et bien que cette tronche de fayot de Laurent Romejko annonce une remontée des températures pour ce dimanche, l'homme de l'Est doute et se demande s'il ne va pas enfiler une paire de gants en laine et appeler le service de ramonage dès lundi matin. À cet instant, une musique de générique — farcie de cuivres discrets et opportuns comme la clientèle mâle d'un pub des Halles — retentit et Patrick Sébastien, que l'homme de l'Est, malgré tout, persiste à trouver sympathique malgré de nombreux indices à charge, apparaît. Sa coiffure bat des records d'agressivité vulgaire ; on peut faire dire beaucoup de choses à un agencement particulier de poils. Sur cette réflexion, l'homme de l'Est ferme le fichier Excel et presque totalement hypnotisé à ce stade par la téloche décide en un surprenant réflexe de survie d'aller se coller une mine dans un troquet.

Nikita Calvus-Mons le 04/11/06 à 21 h 18 dans Littéraire-traître
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Commentaires

good

Excellent ce texte, c'est extrait d'un projet en cours ou c'est du sur mesure pour le blog ?
En tout cas bravo.

zz - 05.11.06 à 11:23 - # - Répondre -

Re: good

Si j'osais ce genre de ridicule affecté je dirais : « Euh, oui, ma vie est un projet en cours, ce texte en fait partie, il prend place dans le Grand Tout ». En fait non, il s'agissait d'un exercice, l'exercice 4, page 217 : en attendant plus ambitieux, quoi. Mais il servira, d'une manière ou d'une autre — ledit « projet en cours », qui existe, est écrit dans un style plus factuel, behavioriste pour causer comme un branleur manchettien, mais pas extrêmement éloigné ; sauf que sur le blog je me fais un peu peur avec ces phrases très longues : où m'arrêterai-je, par Toutatis ?

En tout cas merci Zinédine, ça fait plaisir, surtout venant de toi.

60millions - 05.11.06 à 15:09 - # - Répondre -

Re: Re: good

Allez, lance donc ton manuscrit à la mer ! Ne crains pas le mépris !
Ils sont pas si méchants ces éditeurs : juste en panne de crédit et de bonnes causes.
Ménage pas leur confort. Balance leur ta purée dans la tronche. En fait, ils en raffolent.

difolken - 13.11.06 à 11:11 - # - Répondre -

Re: Re: Re: good

Camarade, je ne crains pas le mépris, juste ma propre inertie, en ce moment.

Je ne peux pas craindre le mépris des éditeurs, vu ma théorie toute personnelle sur les geignards qui se plaignent de recevoir des lettres de refus à chaque manuscrit : il y a tellement de daubes publiées, des daubes objectives, que se plaindre d'être recalé à l'entrée ne peut être qu'une posture de victime un brin répugnante (j'en ai croisé un, un temps sympathique, mais qui a montré son vrai visage, aigri, à point nommé, et qui en était condamné à ressasser son mépris à lui dans des pages emmerdantes et pas finies). Quelque part, j'ai toujours trouvé que les éditeurs faisaient plutôt bien leur boulot, ils publient beaucoup trop, c'est tout.

Quand j'enverrai, dans pas longtemps, ce sera en connaissance de cause et sans aigreur vu que je n'ai jamais rien envoyé depuis que j'ai dix-huit ans. Ça a préservé ma fraîcheur, certes ! Mais il faut dire que je n'avais rien à envoyer. (À part des tests de traduction pour choper un taf alimentaire chez Harlequin, ce genre.)

Merci beaucoup pour tes encouragements qui tombent pile et venant de toi, quel poids ! Yo.

60millions - 13.11.06 à 14:37 - # - Répondre -

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