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60 millions de social-traîtres

« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)

Les landaus

Aïe aïe aïe ! Après avoir posté ce texte hier, je me suis posé deux questions cruciales qui allaient nécessiter d'être creusées à fond. Primo, le pluriel de landaux, ce x pourtant logique me harcelant jusque sur les chiottes, endroit propice aux réflexions les plus poussées, où j'énumérai mes connaissances empiriques, cherchant en vain un mot similaire qui prendrait un s au pluriel, fouillant ma mémoire en quête d'une règle oubliée — inversion de celle régentant joujoux et genoux — et n'en extirpant qu'une certitude pourrie, car landaus s'écrit bien avec un s même si c'est laid et ça l'est. Péché d'orgueil, dictionnaire négligé une fois de trop. Je suis tombé sur une exception. Les bateaux, les tuyaux et les joyaux m'ont enduit d'erreur. Je n'aime pas ça. À ma décharge, je n'ai probablement pas eu à écrire ce mot une seule fois de ma vie avant la nuit dernière. Le terrain était miné. J'ai sauté.

La deuxième question était plus lourde, mais infiniment plus simple à régler : certaines personnes n'allaient-elles pas prendre pour elles (je veux dire à tort) ce texte haineux ? Ça n'a pas manqué et il ne fallait pas. (Voir les commentaires dudit texte, clarifiant la situation, je l'espère.)

Précisons donc que j'aime souvent les enfants des autres, que pour avoir habité dans tous les coins du XIe arrondissement, je l'aime quand même un peu plus qu'une large moitié de ses concurrents, que j'aime la cuisine asiatique et le poulet yassa (big time) et que la bande dessinée, depuis les Rhââ Lovely que planquait mon grand-père, a changé ma vie, comme le kebab frites harissa-mayo (sans salade car c'est mauvais pour l'intestin), le baba au rhum de Chez Denise, les bouquins de Kundera et The Joshua Tree, sans oublier mon premier coït significatif dans une chambre d'hôtel miteuse du XVIIe arrondissement.

C'est l'ambiance générale dans certains dîners, étouffants par la vigueur des bons sentiments qui y prolifèrent, et la propension au conformisme de ce qui était mon milieu, qui motivaient mon propos. Si j'ai changé de milieu (en le décidant simplement), je n'ai pas pour autant abandonné tous mes amis intelligents, curieux, ouverts d'esprit, honnêtes ou un tant soit peu dégoûtés de leur environnement qui, non, n'est pas sain.

Nikita Calvus-Mons le 14/12/06 à 20 h 31 dans Social-traître
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Commentaires

ose dire....

...que mon texto contenant accidentellement le mot landau au pluriel et correctement orthographié n'est pour rien dans cette salutaire remise en question...

Amicalement

EPF

Ex part féminine - 15.12.06 à 00:23 - # - Répondre -

Re: ose dire....


Non, c'est carrément grâce à ton texto que j'ai ouvert le dico, après avoir hésité hier soir sur le trône puis lâché l'affaire car je suis une feignasse.

60millions - 15.12.06 à 04:27 - # - Répondre -

Bon, moi j'étais plus content et d'accord avec votre texte. Dans lequel, bien plus ou bien mieux que de la haine, j'entrevoyais surtout une saine et légitime colère. Je vais bientôt regretter l'humanisme de grand-papa, républicain, laïque, austère : aujourd'hui, l'humanisme est devenu un sirop.

Marc Villemain - 15.12.06 à 10:12 - # - Répondre -

Re:

A force d'employer le terme humanisme à toutes les sauces, il ne faut pas s'étonner qu'il ait perdu de son sens. Je me souviens d'une nécrologie de Mitterand qui saluait le départ de ce grand humaniste ; Pétrarque a du se retourner dans sa tombe. Relisez Erasme ou Pic de la Mirandole et vous n'y trouverez rien de républicain, de laïque ou d'austère.

Pounk - 15.12.06 à 12:02 - # - Répondre -

Re: Re:

Je ne dis pas le contraire. Juste que l'humanisme "républicain, laïque ou austère" ne me déplaît pas (plus) forcément - sans doute par effet de contraste avec l'humanisme "djeun", festif et bariolé de la période...

Marc Villemain - 15.12.06 à 12:16 - # - Répondre -

Hussards noirs de la République

On remarquera avec une certaine fascination que les glissements de sociabilité nécessaires à la fluidité des conversations ne sont pas à l'exclusive employés dans les échanges oraux mais peuvent très bien s'envisager dans le cadre de conversations écrites : ne pas déranger, surtout... Ce commentaire de blog en est la preuve. On se voit s'etriper et on tangue, l'air de rien, vers de nouveaux horizons pour sauver la face ; parce que peut-être, peut-être, que le renoncement lâche - sans trop en dire - de cette mésentante nous renvoie tout autant à notre propre torpeur qu'à notre propre rebellion, et que notre identité O combien in/divisible ne saurait que trop refuser que ce combat en continu que nous nous livrons à nous-mêmes ne soit livré en pâture aussi frontalement au cirque virtuel : là est sûrement l'un des noeuds de la bloguisation de masse.
Je veux dire par là qu'une bonne partie de la "blogosphère" peut se comprendre comme un gigantesque livre intime/public, à la différence près que ce livre anonyme perd de sa capacité à garder son auteur dans l'ombre au fur et à mesure que ce dernier l'alimente, parce qu'il s'y livre, plus ou moins tatonnant, et parce qu'il livre aussi une intimité qu'un jour ou l'autre, il finira, au détour d'une conversation - réelle celle-ci - par livrer à d'autres : la force de cette intimité repose non pas sur le fait qu'elle reste muette à autrui, mais qu'elle ne dit pas qui elle est : tout l'art du bon secret réside en ce qu'il sait se rendre intéressant... Il faut donc perpétuellement alimenter cet intérêt. Exciting, is'nt it ?
Le blog a donc un public, et dans l'hétérogénéité de ses pratiques, se trouve défini en partie (je vous vois venir, et non, il ne se réduit pas à cela) au travers de la tension générée par le conflit entre l'anonymat intime et l'anonymat public. Qu'y livre t-on, dès lors ? De l'intime public. On y livre les affres d'une génération (souvent relativement confortable), sa dépossession du monde, sa frustration individuelle, l'impossibilité existencielle à ne pas faire partie du grand tout humain (qu'on abhorre, comme il se doit, mais qu'on aborde, bien évidemment, sous son angle culturel, beaucoup moins risqué, celui-là) : bien plus que de livrer, on alimente collectivement une identité qu'on souhaiterait singulière mais qui se répercute à l'identique de blog en blog, fortement teintée de pessimisme - voire de mélancolie, comme si, confusément, au-delà des remaniements individuels, on pressentait l'impossibilité de résoudre la tension par ce biais là. Cherche-t-on d'ailleurs à résoudre quoi que ce soit ? Ne cherche-t-on pas à faire front commun, à communier, non plus dans la célébration de valeurs, mais dans le refus tous azimuts de ces dernières, se définir en creux étant bien plus confortable pour la singularité que d'accepter sa similitude ?
Cette longue digression me ramène bien évidemment à cet échange amer qui ne me regarderait en rien si, justement, on ne m'avait proposé de regarder. Qu'on me permette cet exercice de style, vaguement intrusif, consistant à proposer des hypothèses quant aux motivations "des autres". Pardonne-moi donc, 60 millions, pour cette tentative.
Voici donc un repas, ses évolutions banales consistant à "faire conversation", à rechercher en l'autre un mirroir convaincant pour les quelques heures à passer ensemble : on s'organise pour que les acteurs de ces agapes soient a priori dans de bonnes dispositions, qu'ils soient ceux qui alimentent notre illusoire image de nous-même. Certains recherchent ce mirroir (j'en fais partie), d'autres le fuient avec plus ou moins de discrétion. Il semblerait qu'ici les faces qui se présentèrent à toi, les Narcisse qu'on te tendit, loin de t'émoustiller, t'effrayèrent au plus au point. Ils te disaient, semblables et convenus, à toi si imprégné de célibat, toute la force d'une certaine conformité familiale et ses capacités désangoissantes. Ses obligations quotidiennes, ses choix moulés, son potentiel à investir les protagonistes qu'y s'y soumettent à la gestion de leur vie quotidienne : ainsi en est-il des normes construisant l'image du bon parent, préoccupé par la qualité de son contrat de travail, dans la perspective de ne pas voir se déliter les conditions de vie de sa marmaille. Amères vicissitudes de la carrière sociale d'un être humain se désirant "épanoui".
Il n'en fallait pas plus pour que, Hercule virtuel (donc ventripotent), tu te saisisses de ton clavier imprégné de mayo "dönerkebapisée" pour conter ta mésaventure. Du difficile attermoiement qui, j'en suis persuadé, guide tout autant ta conduite que celle de tes hôtes déconfits (à lire les commentaires), tu ne reteins en blogueur de "l'intimité publique" averti que la face collective, celle de la normalité désinvestie, pour mieux y plonger les griffes acérées bien que plumitives de tes ressentiments. La saillie fut, je l'imagine, difficile à digérer. Elle n'en témoigne pas moins de cette propension radicale du blogueur à ne prendre en compte que la face idéalisée de sa posture individuelle, celle du doute et du rejet pour tout ce qui touche à la douce torpeur de l'être-collectif, cette entité nécessairement conformiste. Ne pas prendre cette dimension en compte, faire comme si ce témoignage reflétait de façon exhaustive la pluralité des sens que tu pourrais donner à cette séquence dinâtoire, revient à ne pas prendre en compte le support  mis en oeuvre pour le récit : il compte pourtant davantage que l'expérience elle-même. Il est l'expérience, parce que le récit fonde ce que nous retenons de l'expérience, et que ce récit se construit parce qu'il y a un lieu pour l'accueillir : ici le blog. Et voilà qui nous mène tout droit au quiproquo. A couteaux tirés.
Pour finir, j'attends avec impatience ta perception bloguée des affres de ta condition de chef d'entreprise : comment éviter la logique gestionnaire (devis, réunions de travail, calcul savant du pognon que tout cela va rapporter...) tout en évitant la faillite ? J'arrête là ce commentaire décidément très long. J'espere qu'on ne m'en voudra pas...

kalinka poncife - 16.12.06 à 16:19 - # - Répondre -

Re: Hussards noirs de la République

Waouh, quelle prose, et quel déploiement de talent pour cette drôle de cause ! Une fois n'est pas coutume, je t'ai répondu en un long article (le suivant).

60millions - 16.12.06 à 17:31 - # - Répondre -

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