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60 millions de social-traîtres II

« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)

Berlin : atonal, gouailleur, interlope, nazi, stalinien, subversif et hédoniste

Ayant passé des heures fébriles à en relire le manuscrit dès la mi-août, alors que les plages basques, à cinq cents mètres à peine, m'invitaient à fouler leur sable grossier de mes pieds calleux, je suis ravi de voir enfin sortir dans le commerce l'indispensable Berlin Sampler.

L'éditeur — Ollendorff & Desseins — mes lecteurs attentifs (et innombrables) le connaissent déjà : c'est le responsable de la série de philo illustrée « Le sens figuré », ayant déjà offert au monde hagard (avant leur lecture) puis ébloui (après) des ouvrages sur Foucault, Spinoza, Deleuze-Guattari et Nietzsche.

Ici, il s'agit de musique et d'histoire. Pas d'histoire de la musique, même si cela y ressemble fort. Plutôt de la confrontation entre une ville pivot de l'histoire et la musique qui s'y élabora tout au long du siècle de la mort, ayant apporté à Berlin successivement le dodécaphonisme, le nazisme, le communisme et le technominimalisme.

Ollendorff & Desseins a construit un site web pour l'occasion, sur lequel il est possible d'écouter quelques unes des musiques (des morceaux entiers, respect !) chroniquées dans le livre, qui se veut avant tout un guide musical (en allemand : Führer).

Le lecteur, logiquement inculte à un moment ou un autre de sa lecture (car qui peut s'enorgueillir, à part l'auteur Théo Lessour, de connaître à la fois Schönberg, Mania D, Claire Waldoff, Die Sputnik et WestBam ?), peut ainsi grâce aux extraits se rendre compte à l'oreille de quelle musique il est question dans le livre.

Seul petit bémol, qui ne concerne que le site web : le lecteur Fairtilizer choisi est assez illisible, très peu ergonomique, ou alors je suis totalement idiot. En tout cas, soyez-en sûr : le site regorge de morceaux de musique. Passez la souris sur le lecteur, et cliquez en haut à gauche sur le menu qui se déroule. Toute la playlist vous sera accessible. Elle vaut le coup. En fait, il y en a plusieurs, classées thématiquement, qui valent toutes le coup. Et sont bien sûr indissociables du texte de Théo Lessour, érudit total assez déroutant, aussi à l'aise en territoire atonal (Pierrot lunaire, qui ouvre le bouquin) qu'avec les poésies dadaïstes (lettristes ?) de Raoul Hausmann, la musique du Cuirassé Potemkine (matrice de la musique hollywoodienne, si j'ai bien tout saisi), la gouaille berlinoise de Claire Waldoff (à côté de laquelle Mistinguett fait figure de femme du monde, vocalement s'entend), le doo-wop des Comedian Harmonists, le rock politique, flirtant avec la bande à Baader, de Ton Steine Scherben, la pop déviante de Bowie et Eno, la musique industrielle de Neubauten ou encore les différents courants de ce qu'on appelle pour simplifier « techno » et qui rassemble des choses aussi radicalement opposées que la dance hédoniste de la Love Parade et le punk hardcore d'Atari Teenage Riot...

Bref, un livre excellent, inaugurant une collection de livres sur des villes « existant » en musique. Detroit est la prochaine sur la liste, et on peut imaginer, au vu de la ligne éditoriale annoncée par le Berlin, que New York et Manchester feraient des candidates sérieuses pour la suite. Nous verrons.

Quelques personal favorites of mine, dans l'ordre d'apparition (donc à peu près chronologique) :

Grete von Zieritz, Einsamkeit
Raoul Hausmann, K Perioum
Stefan Wolpe, Cinq marches caractéristiques 1
Kurt Weill & Bertold Brecht, Kanonen Song
Walter Ruttman, Week-end
Oskar Sala & Paul Hindemith, 7 Triostücken für 3 Trautonien
Claire Waldoff, Nach meine Beene ist ja janz Berlin verrückt
Barnabas von Geczy, Puszta Fox
Comedian Harmonists, Perpetuum Mobile
The Admirals, Puttin' on the Ritz
Caterina Valente & Silvio Francesco, Peppermint Twist
The Lords, Shakin' All Over
Hildegard Knef, Ich brauch' kein Venedig
Amon Düül, Im Garten Sandosa
Ton Steine Scherben, Rauch-Haus Song
Kluster, Electric Music and Text
Cosmic Jokers, Galactic Joke
Harmonia, Walky-Talky
Die Tödliche Doris, Der Tod ist ein Skandal
Abwärts, Computerstaat
Einstürzende Neubauten, Sehnsucht
Malaria!, Your Turn to Run
Liaisons dangereuses, Apéritif de la mort
Fad Gadget, Collapsing New People (Berlin Mix)
Dave Ball & Genesis P. Orridge, Muzak for Frogs
Matt Johnson, Three Orange Kisses from Kazan
Cowboy Temple & WestBam, This Is Not a Boris Becker Song
X-101, Rave New World
Round Five, Na Fe Throw It
Pole, Berlin
Ellen Allien, Funkenflug der Traume

S'il fallait (aujourd'hui) n'en choisir qu'un, ce serait l'Apéritif de la mort de Liaisons dangereuses et de son chanteur Krishna Goisneau, au destin depuis (presque) inconnu...

Nikita Calvus-Mons le 19/10/09 à 16 h 33 dans Musical-traître
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