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60 millions de social-traîtres II

« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)

Jours de l'an majeurs

1992-1993 J'ai dix-huit ans et je passe le réveillon dans un club de rugby, avec les rugbymen, qui sont des amis de ma cousine. Pour me donner une contenance, j'enchaîne vodkas-orange et whiskys-coca, cigares, pétards, avant de m'écrouler dans les toilettes, de fuir dans les gradins du stade déserts, puis de m'enfermer dans les chiottes dont on me déloge je ne sais comment avant de me foutre sous la douche. Je me réveille le lendemain dans un jogging trop petit pour moi, je me suis vomi dessus et je ne me souviens de rien. C'est ma première vraie cuite, et par la même occasion la dernière ou presque — je n'ai plus vomi depuis 1994 à cause de l'alcool. Victoire ?

1993-1994 Trop d'embouteillages dans Paris, je viens d'avoir le permis et minuit se passe dans la caisse, sur l'autoroute A6. Je suis avec M. qui flippe car il ne conduit pas et je frôle les voitures en les dépassant. On a abandonné vers vingt-trois heures l'idée d'aller voir un concert de jazz au Méridien de la porte Maillot devant l'ampleur des bouchons. Je le dépose chez lui à minuit vingt, et je vais me coucher.

1994-1995 Début de période asociale : je reste chez moi, scotché sur un serveur Minitel, sans doute en bouffant du saumon sous vide en picolant soit de la vodka soit, plus probable à l'époque, du Bailey's.

1995-1996 À peu de détails près, la même chose. Je sors d'une histoire rocambolesque avec une mythomane qui m'a cueilli un peu naïf. Minitel, foie gras, champagne ?

1996-1997 Au Danemark, avec U., que je fais semblant d'aimer avec un certain talent puisqu'elle ne semble y voir que du feu et que j'y crois moi-même les trois quarts du temps. Je suis traducteur depuis peu. J'apporte à la soirée, qui se passe dans une fac, je crois, deux bouteilles du génie français — bordeaux et bourgogne — qu'U. fait cramer derrière un radiateur en croyant bien faire (elles étaient certes trop froides en arrivant). À minuit moins cinq, tous les Danois — moyenne d'âge, comme moi, vingt-deux ans — se précipitent en haut d'escaliers menant à une chambre. Je les suis, intrigué. Ils sont tous, sans exception, devant leur reine qui leur communique officiellement ses voeux de nouvelle année. Elle prie pour la paix dans le monde, et ils y sont sensibles. Ensuite un connard bourré m'insulte parce que je suis français et que Napoléon a fait, soi-disant, perdre la Norvège au Danemark.

1997-1998 Aucun souvenir. Peut-être chez ma mère, au calme...

1998-1999 Avec A., virée en Belgique, et réveillon, en passant, à Lille, dans un resto qui, miracle, nous sert, bien qu'on débarque à vingt-trois heures après avoir été refoulés de toutes les belles brasseries. On mange de la merde, bien sûr, mais on se marre bien. Un petit tour sur la grande roue locale. Une nuit dans la même chambre mais pas dans le même lit, ce qui ne m'effleure pas l'esprit un instant car je suis déjà très pris par C. — qui est au Sri Lanka avec son mari —, mais j'apprendrai quelques mois plus tard que pour elle ce week-end était porteur de ce genre d'espoirs. Pourtant elle était ma plus intime confidente. Love is blindness.

1999-2000 C'est la semaine de vacances de C. et je ne la rejoins pas pour le réveillon du jour de l'an chez sa mère. Je préfère lui proposer de me rejoindre moi dans une fête à Paris, rue de Douai, sachant qu'elle dira non, mais je n'ai pas du tout le courage de la voir en famille, j'ai envie de me lâcher, pour une fois. Un décalage d'envies qui fera bien des dégats. Je l'appelle à minuit, pendant qu'Oasis joue Wonderwall et les yeux rivés sur le feu d'artifice qu'elle regarde à la télé. Je lui dis que je l'aime et que je crois en nous et je suis très sincère. Mais le lendemain elle me quitte parce qu'elle considère que je l'ai trahie. Cela ne dure qu'une heure et on se réconcilie dans un resto, mais blessure durable et début des ennuis, pour un malentendu stupide, comme d'habitude.

2000-2001 Le réveillon des nouveaux riches chez L. qui vient de prendre livraison de son gros loft dans le XIe. Je quitte le repas — classique — chez mon père à minuit deux, et je suis au Père-Lachaise à minuit vingt. C. vient d'atterrir d'Algérie, elle est trop fatiguée pour me rejoindre mais me propose de finir la nuit avec elle si je veux. Je suis ravi, mais je quitte la soirée trop tard pour elle, vers six ou sept heures, et je la laisse se reposer. De minuit à trois heures du matin, personne ou presque dans ce grand loft. J. m'annonce qu'il se sépare de sa copine, c'est le début d'une belle période de célibat, copieusement arrosée. À trois heures du matin plein de monde arrive, puis c'est la grosse fête, où je croise une serveuse incendiaire du Café de l'Industrie qui ne me fait pas dévier de ma route (vers C. à nouveau, pour quelques semaines).

2001-2002 Avec G. à Dublin, à l'aveuglette, on tombe sur un chauffeur de taxi francophile et dont je comprends l'accent sans peine. Il nous raconte ses périples dans le Sud-Ouest, on lui parle de la Corrèze, qu'il connaît (Brive-la-Gaillarde...). Il nous débarque dans un pub en apparence isolé, une grande bâtisse de deux étages qui s'emplit lentement mais sûrement. C'est la nuit du passage à l'euro, alors tout le monde regarde les écrans géants de télé qui diffusent les festivités du passage à 2002 dans tous les pays concernés. Grèce, Italie, France, puis Irlande, en dernier : une célébration toutes les heures. Minuit dublinois, New Year's Day de U2 retentit, de façon assez prévisible finalement, et je suis ravi pour G. et quelque peu rassuré que tout ne soit pas complètement bouleversé autour de moi, l'année ayant été très mouvementée, et bien avant les tours jumelles...

2002-2003 J'anticipe sur la vente de mon appart et j'organise un grand dîner russe à la maison. Classique, efficace. Ensuite transformation en fête très marrante bien qu'un brin stressante pour mes colocs, des clochards finissant même affalés sur le canapé du salon, ils avaient vus de la lumière, ils sont montés.

2003-2004 Réveillon de petit commerçant ! Je bosse à mon bar, qui a ouvert un mois et demi auparavant. Stressant, mais tout le monde (ou presque, C. non) est là. Je n'enchaîne sur aucune fête après ce qui n'est après tout que du travail, assez crevant.

2004-2005 Excès en tous genres chez C. et Y., superbe repas de « cochons de bourgeois », rails de coke sur l'imprimante — pour m'aider à descendre le plus posément possible d'un an et demi de concerts autour du monde —, énorme déprime le lendemain et seule année où je fais de vraies résolutions — que je tiendrai d'ailleurs en partie.

2005-2006 Repas hétéroclite à cinq, ma soeur et son mec, mon frère et D., dans l'appartement des parents de mon, en quelque sorte, beauf, dont c'est également l'anniversaire. Du coup je lui offre, au dessert (un kloug de ma soeur, après petits fours, crevettes roses, bulots, escargots, saumon fumé de chez Dominique, vodka frappée, bref, la routine, en mode hétéroclite, donc), deux disques dont un vieux Dinosaur Jr dégotté en import à la Fnac, douze ans après sa sortie. Ensuite, nous enchaînons sur une fête sympathique dont je n'ai que peu de souvenirs, rue de l'Asile-Popincourt. Puis une copine de copine me saute dessus à la recherche de coke car elle a perdu la sienne, comme si j'avais une tête de dealer, ce que je n'ai pas, mais un ami, G., l'a dirigée vers moi en lui disant que j'étais le seul dans cette soirée que ça pouvait intéresser... Tu parles... Je m'en fous un peu, je suis bien plus intéressé par son charme à elle, je l'accompagne donc dans sa quête un peu vaine. Je ne conclus pas pour autant, et elle se fait refiler un bout de papier mâché en boîte vers neuf heures du matin, ce pour quoi je me sens un peu coupable car j'aurais dû la dissuader, mais une droguée en descente ne se dissuade pas. J'aurais préféré, de loin, boire des coups et passer la nuit avec elle. Occasion manquée. Il y en aura d'autres.

Bonnes années !

Nikita Calvus-Mons le 05/01/06 à 00 h 26 dans Social-traître
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Commentaires

Merci de l'avoir reposté, vous avez effectivement un coeur gros comme ça.

End - 05.01.06 à 01:47 - # - Répondre -

Ah ouais, poue une fois qu'une guirlande n'a pas qu'un charme kitch, ça valait le coup.

Chat Fou - 05.01.06 à 11:30 - # - Répondre -

Bougret : Que faisiez-vous le soir du 22 ?

D'abord, j'avais pensé m'indigner de l'effacement hâtif du post relatif à l'imbécilité supposée de VP (mais, quand même : pourquoi la traiter d'imbécile ? un post à 3h04, ça dit des choses — sublimes, forcément, aurait rajouté MD),
puis je me suis dit que, l'heure allant, le vin fuyant, les impératifs moraux refaisaient leur entrée en scène, façon privé planqué dans l'ombre (l'impératif moral) cueillant son marlou saoûl sortant d'une boîte (l'auteur) — « toi, mon mignon, tu viens gentiment avec moi, qu'on discute un peu du cas VP... VP, ça te dit bien quelque chose, non ? ».

Et, après tout, peut-être s'agissait-il simplement d'une erreur d'intendance, un coup de clavier passé à la lumière alors que le rideau n'était pas tiré, une caméra qui continue d'avaler sa pellicule alors qu'on avait crié « coupez ! » — une sorte de post manqué en quelque sorte.

Car c'est bien de cela qu'il s'agit : comment peut-on lire les posts d'un blog sans verser dans le voyeurisme ? Que l'autre soit extraverti, exhibitionniste ou bêtement sot ne change rien à l'affaire : un blogaire*, ça mate (les filles à la peau nue). Qu'il y ait des matés est une chose (« Le blog, ce fast-food du journal intime... »), que je sois mateur est une faute.

Bah, encore une facétie sordide des moteurs de recherche, leur côté vilainement indic' : toi, mon pote, tes octets, je me les garde dans ton dossier...

* Je ne connais pas la terminologie en vigueur, je voulais désigner le destinataire du message émis par le blogueur.

Lee Beria Jr - 05.01.06 à 23:55 - # - Répondre -

Re: Bougret : Que faisiez-vous le soir du 22 ?

C'est qu'il n'y a rien d'intime dans tout ça, forcément ! Dans un cahier à spirales, intime, privé, on aurait tout laissé, mais là, oui, sphère publique, il n'est même pas question une seconde de tenter le coup de "l'extime" (concept foireux entendu un jour de la bouche d'une blogueuse ravie). L'impératif moral, sans aucun doute ! Je n'ai même pas su écrire (publier) "VP est une conne" (on ne sait jamais, avec les hébergeurs, ils sont très sensibles aux pressions, non ? Ca a changé, ça ? Une plainte de la conne et hop ! tu valses.), et je ne supportais pas la demi-mesure de cet "imbécile", pas assez radical, totalement mensonger en fait. Je suis con, lâche, humain, mais je déteste que ça se voie. S'il doit y avoir insulte, qu'elle soit gratuite et violente, ou qu'elle soit effacée vite fait.

Je ne bois pas la nuit, seul, ou alors du café. Du coup il faut croire que je porte en moi cette pudibonderie que j'exècre, chiotte alors !

Mais la vraie raison, mon petit Junior, vous la donnâtes : c'était effectivement un "post manqué", un bout de répète, sans intérêt, un truc de journaliste, et vous savez ce que je pense des journalistes, mon petit Beria.

Est-ce qu'en angliche on ne dirait pas "bloggee" ? Ces terminaisons en "ee", ah, quelle subtilité, mon petit Lee !

En tout cas, vous êtes le second lecteur de ces pages à être assez désoeuvré (qu'est-ce que vous faites, comme boulot ?) pour arriver à lire les posts qui ne restent en ligne qu'une demi-heure, je ne sais pas si je dois vous féliciter... Je ferai plus attention à l'avenir, et j'utiliserai la fonction "brouillon", ou alors, plus vraisemblablement d'ailleurs, j'arrêterai de suivre certains liens menant à des médias citoyens.

60millions - 06.01.06 à 20:39 - # - Répondre -

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