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60 millions de social-traîtres II

« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)

Richesse du vocabulaire

Les traducteurs ont tendance à enrichir le vocabulaire : « ne pas cesser d'éprouver » (au lieu d'« avoir ») — « s'enfoncer », « s'avancer », « faire du chemin » (au lieu d'« être ») — « faire suffoquer » (au lieu de « devoir étouffer ») — « marcher » (au lieu d'« aller ») — « retrouver » (au lieu d'« avoir »).

(Signalons la terreur qu'éprouvent tous les traducteurs du monde entier devant les mots « être » et « avoir » ! Ils feront n'importe quoi pour les remplacer par un mot qu'ils considèrent comme moins banal.)

Cette tendance aussi est psychologiquement compréhensible : d'après quoi le traducteur sera-t-il apprécié ? D'après sa fidélité au style de l'auteur ? C'est exactement ce que les lecteurs de son pays n'auront pas la possibilité de juger. En revanche, la richesse du vocabulaire sera automatiquement ressentie par le public comme une valeur, comme une performance, une preuve de la maîtrise et de la compétence du traducteur.

Or, la richesse du vocabulaire en elle-même ne représente aucune valeur. L'étendue du vocabulaire dépend de l'intention esthétique qui organise l'œuvre. Le vocabulaire de Carlos Fuentes est riche jusqu'au vertige. Mais le vocabulaire de Hemingway est extrêmement limité. La beauté de la
prose de Fuentes est liée à la richesse, celle de Hemingway à la limitation du vocabulaire.

Kundera, Les Testaments trahis. Extrait de la quatrième partie, « Une phrase ».

Suivent de brillantes pages sur la répétition, entre autres (je suis volontairement réducteur, pas la place ici de faire autrement, bien sûr). Je suis très content d'avoir retrouvé chez Gibert ce bouquin, de chevet, assurément, que j'avais perdu depuis des années. Me manque donc toujours l'autre essai de Kundera, non moins important,  L'Art du roman, que je n'arrive pas à retrouver en librairie, chose étrange (pas tant que ça si l'on considère que je ne suis pas un rat de librairie)... La lecture de ces deux courts essais devrait être obligatoire dans les facs de lettres, ça éviterait quelques désastres et ça désencombrerait un peu les boîtes aux lettres des éditeurs, sûr.

Nikita Calvus-Mons le 14/11/06 à 17 h 57 dans Littéraire-traître
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