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60 millions de social-traîtres II

« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)

She's Lost Control (ach, Sandra !)

J'étais délicieusement malade. Devant la télé. Magnum roulait lentement dans sa Ferrari, la moustache drue ; Higgins en prenait pour son grade, comme d'habitude. Je gommais et griffonnais avec frénésie, toutes les vingt secondes, après quelques lancers de dés fébriles ponctuant mes combats contre orques et trolls purulents, les premières pages d'un Livre dont vous êtes le héros. Le paragraphe 13 en signifiait la mort*. C'était le milieu des années 80 ; je n'avais pas eu besoin de coller le thermomètre à l'ampoule pour me faire porter pâle. Je l'étais, pâle. Et bouillant, à l'intérieur. Mais tranquille : car enfant de bourgeois. Après Magnum, la diffusion de Roland-Garros fut continuée, car il ne pleuvait plus. Noah allait pouvoir finir de piler José Luis Clerc, ou un type dans ce genre-là. Un client sérieux. (À moins que ce ne fût l'année où, au sommet de son art, la future personnalité préférée des Français se ramassa une grille de barbecue sur le pied à deux semaines du tournoi, alors qu'il en était, pour une fois, un favori incontestable. Je ne sais plus. Mais en tout cas c'était le printemps.) Je n'écoutais pas de musique, pas encore. Pour moi ce n'était qu'une distraction, un entertainment, comme disent les Américains et les situationnistes. La musique. Et alors, ce jour-là, après la diffusion de Magnum et de Roland-Garros, le livre dont j'étais le héros retourné sur la couette parsemée de débris de Chamonix, j'entendis ce tube d'une vulgarité assez difficile à surpasser : In the Heat of the Night. Je ne l'oublierais — c'est peut-être étonnant, mais c'est comme ça — jamais. Je dirais même plus : je ne l'oublierai jamais. Je l'entends aujourd'hui, ce drôle d'étron musical, archétype de la bouse vulgaire et surproduite, et je m'avoue in petto (c'est-à-dire que je ne suis pas près de l'avouer dans un blog, social-traître ou pas) que j'aime bien ce refrain puissant comme un tsunami, dans lequel je décèle une partie de l'Allemagne éternelle — Rammstein est déjà là, dans ce déferlement de tonnerre — et d'où Sandra, élégante comme une péripatéticienne de la rue de Douai, scintille et émeut — avec dans sa gorge, étranglée comme le gland d'un client pressé, la phrase sublime, l'ultime aveu : « I lose control ! »


* Je n'évoque ni n'invoque ici littéralement le décès de personne. L'utilisation du mot maudit « mort » est forcée par le contexte : le paragraphe 13 de ces livres captivants — pour l'enfant impressionnable que j'étais — signifiait la mort réelle du personnage que j'interprétais ; mort toute symbolique pour moi, donc.

Nikita Calvus-Mons le 15/01/08 à 21 h 52 dans Musical-traître
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Commentaires

"p. 387 : Vous êtes mort"

Ah, ces livres dont vous êtes le héros, que de souvenirs ! Tout y est : la loose dans le canapé, la pseudo-maladie un brin somatisée, la téloche en arrière-fond jouissif d'être si vaseux... Le Magnum sent bon le milieux d'après-midi, seul et pénard dans la maisonnée. Quelle puissante image d'Epinal tu nous rappelles là ! Quand je me souviens de mon p'tit frère dans ses années rôlistes - pas si lointaines -, je fredonne : "non, non, rien n'a changé...". Ils ont décidément gardé le meilleur de nos expériences. Merci à lui.
TH.
ps : de toute façon, dans ces bouquins, il suffisait de tricher, et "même pas mort !"... Au contraire des mots de la-vie-la-vraie.

Anonyme - 15.01.08 à 23:03 - # - Répondre -

Bryan Adams?

 Si c'est à ce tube du Canadien auquel tu fais allusion, je peux situer ton malaise à 1987, voire 1988. Je m'en rappelle bien, j'étais aux US à l'époque, et ça colonisait la bande FM de tout l'Ouest. C'est malheureusement à la même époque où Whitesnake nous a asséné son "Here I Go Again (On My Own)", un hymne de beaufitude adolescente insupportable, sans doute moins connu en Europe, mais qui est devenu aux US l'un des titres phares du rock poilu des hair bands de l'époque.

Arnaud H - 16.01.08 à 04:47 - # - Répondre -

Re: Bryan Adams?

Mais non, Sandra ! In the Heat of the Night, de Sandra. Hint : c'est dans le player à droite de ce blog. Tu vas voir, c'est immonde. Mais dévastateur. Et ça date de 1985 je crois.

Bryan Adams est l'archétype du beauf à voix rauque et à T-shirt qui fait des ballades rock. Que de mauvais souvenirs !

60millions - 16.01.08 à 07:44 - # - Répondre -

Re: Bryan Adams?

 Malheureusement, je vois très bien à quelle chanson tu fais allusion maintenant. Sandra, il me semble que c'était la pétasse dont Jacques Martin faisait une promotion honteuse dans son émission dominicale pour vieux croulants ? J'ai toujours trouvé suspecte sa visibilité chez Jacquot. Il y a du pelotage là-dessous.

Arnaud H - 16.01.08 à 07:49 - # - Répondre -

Re: Bryan Adams?

J'aimais bien Sandra (everlasting love est monstrueux). Bon, j'aimais bien aussi Gala (Sandra en ritale et plus dance quand même).

Sinon il te sera beaucoup pardonné puisque tu as aussi mis dans ton radioblog le plus beau morceau du monde, produit par Phil "wife killer" Spector.

Halali Bibelot - 16.01.08 à 21:19 - # - Répondre -

Quand même...

Oui, oui, je m'en souviens. Elle avait une coiffure à la Kim Wilde début 80's. Mais elle commença - un peu d'histoire - par Maria Magdalena. Bref, bref... Je voulais dire : citer Rammstsein dans un tel contexte, mais nous sommes tout prêts du blasphème, jeune homme !!

MV - 17.01.08 à 10:54 - # - Répondre -

Re: Quand même...

Mais oui, et c'est ça qu'est bon ! Le blasphème. Je ne pouvais pas faire pire, là, si ? Le rapprochement Sandra-Rammstein. Point commun : l'Allemagne. CQFD.

Evidemment on me parlera de Schumann ! mais ça compte pas.

60millions - 17.01.08 à 15:00 - # - Répondre -

Sandra, ahh, que de souvenirs. Lorsque mes parents ont acheté un lecteur CD au milieu des années 80, mon premier achat fut un album de Sandra justement.
Cela fait-il de moi un social-traître ?
:-)

Artemus - 17.01.08 à 19:30 - # - Répondre -

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