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60 millions de social-traîtres II

« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)

This is no literature

Déjà à chaque fois qu'elle me rencontrait, au moment où son regard croisait le mien, pendant que je disais bonjour à son mec, je sentais une pointe de défi. Une interrogation, ou une colère, je ne sais pas trop. Enfin, je ne savais pas trop ; tout était confus, non formulé en tout cas. À présent je sais qu'elle voulait une confrontation, bête et méchante. Une vengeance même, peut-être, depuis ce jour où déjà elle avait pleuré après que je sois parti — avant de l'insulter.

Quoi qu'il en soit, le prétexte ce soir est étonnant de légèreté. Voilà qu'elle me dit qu'elle a bu un verre avec Julien Doré, je ne sais pas qui est ce Julien Doré, mais je comprends vite qu'il s'agit de l'imposteur qui a gagné cette émission de télé réalité, et dont j'ai évoqué la malheureuse existence dans ces pages. Je ne me rappelle plus des détails de notre « discussion », qui sera très brève. Je me doute — cela émerge du brouillard diffusé sur mes souvenirs par la gnôle — que j'ai dû parler du Système, puisqu'elle voulait à tout prix me convaincre que ledit Julien était quelqu'un de sympathique. Après tout, pourquoi pas ? Je peux entendre qu'un individu débarrassé de ses oripeaux médiatiques, de son arrivisme tristement ordinaire, puisse être sympathique — est-ce que ça veut dire quoi que ce soit ? C'est une autre question. Mais le Système, la télé réalité, la télé elle-même, nue, est méprisable, haïssable, un ennemi à combattre. Je ne dis que ça, au fond. Elle n'en peut plus de mes airs supérieurs — j'imagine... car je n'ai toujours pas compris son acharnement à me provoquer avec constance sur des sujets aussi futiles, sur lesquels il est évident que nous avons toutes les chances d'être d'accord. Comme elle n'en peut plus que je ne sois — encore une fois, de trop — pas d'accord avec ce qu'elle dit, elle saute sur l'occasion et je comprends alors que la lueur de défi que je vois perpétuellement dans ses yeux n'est pas un mirage. Elle a vraiment envie de moi : je veux dire, de se battre avec moi. La vanne est ouverte, et avec une haine enfin libérée, elle m'explique de but en blanc qu'il faut que je « sache » quelque chose ; entendez par là que je vais boire mes quatre vérités jusqu'à la lie : « Mais Nikita, il faut que je te dise quelque chose, avec ton Système, ta pureté, toujours ta pureté... » Je reconstitue de mémoire ; je l'ai dit, l'alcool n'a rien laissé de très clair dans les propos échangés, rien que le canevas, le déroulement des opérations. Je lui semble, comme trop souvent, prétentieux, supérieur, donneur de leçons. (« Snob », ai-je entendu ailleurs : parce que je ne l'appelle pas assez souvent... Le fait que je l'aie invitée aux vingt ans de ma sœur ne semble pas avoir beaucoup de sens pour elle.) En vérité je crois qu'elle trépigne de haine car elle aimerait avoir fait les mêmes choix que moi, ou plutôt ce qu'elle s'imagine être mes choix, que je ne vante pas ; ou alors elle ne peut pas supporter une seconde qu'on la prenne en défaut intellectuellement. Théorie que je vais retenir, car après tout Julien Doré c'est quand même la grosse honte, et je n'ai pas à m'excuser de ne pas trouver ce blaireau sympathique. Le monde à l'envers, ce serait.

Je me suis retrouvé tout le dimanche à culpabiliser car elle était partie sous mes insultes — cette fois, pas pu résister, je l'ai virée vulgairement et sans ménagement, « casse-toi », oui c'est violent, et je m'en veux encore, blessure superficielle — et en pleurant, apparemment. Je ne me suis pas senti très beau, non. Et puis j'ai réfléchi, j'ai fait le tri ; quel besoin avait-elle de me chauffer, de me dire sa rancœur ? Et pourquoi cette rancœur, au fait ?

Parce que j'ai passé la soirée dans les bras d'une jolie brune, témoignant d'une certaine passion passagère, et que la jalousie, même diluée au millième, faisait son effet ? Les théories freudiennes à la con peuvent toujours pleuvoir. J'ai perdu une copine, que j'aimais bien, car elle l'avait bien cherché. Quelle est donc, d'ailleurs, cette société étrange où il faut s'excuser, se défendre d'être élitiste ou peine-à-jouir, quand tout simplement on juge la télévision pour ce qu'elle est : de la merde ?

Et si je dis que je l'ai perdue, cette copine, c'est que je sais bien qu'il n'y a pas de retour possible ; je lui ai affirmé, juste avant qu'elle parte, les yeux embués, ce que tout le monde sait, mais qu'il ne fallait surtout pas qu'elle entende : qu'elle parle trop et n'écoute jamais personne — et c'était symptomatique samedi soir, au cours de cet échange surréaliste sur Julien Doré et la télé réalité. Le messager est toujours celui qu'on hait le plus. C'est une réplique de film. Je ne dirai pas lequel.

Nikita Calvus-Mons le 11/09/07 à 01 h 58 dans Social-traître
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Commentaires

Ah l'alcool.
Combien de fois est-on sûr d'avoir raison, alors qu'on est simplement ivre.
Le problème est que les gens n'aiment qu'on ait des idées bien arrêtées, parce que l'on passe tout de suite pour des intolérants.
Le plus souvent, les gens sont plus ou moins d'accords entre eux, mais chacun veut absolument prouver à l'autre qu'il a raison. Ce qui n'améne que  des cris et des disputes.  Quand l'ego parle en premier, c'est toujours mal parti.

Léon - 11.09.07 à 11:42 - # - Répondre -

nanmaiquel'histoire!

Salut,

Je suis un peu étonné de la tournure que prend cette xème histoire. Je n'ai pas été témoin de l'esclandre, je suis arrivé après la bataille, aussi imbibé sûrement que vous l'étiez en cette heure matudinale de fin de soirée - fort sympathique par ailleurs (mais quelle brune ??).
J'ai en des temps pas si lointains que ça (t'en souviens-tu, Nikita ?) moi aussi cru bon de reporter sur mon blog quasi mort-né - trois mois d'existence, c'est fort peu, tout de même - les affres de disputes aussi violentes qu'elles signifiaient des ruptures d'amitiés autrefois intimes. Je ne le ferai plus pour ma part, d'une manière ou d'une autre.
D'une part, parce qu'il me semble que ces péripéties doivent être digérées pour être interprétées, d'autre part parce qu'il résulte de ce mode de communication qu'est le blog une amplification qu'il serait bon de relativiser. Par exemple, tu le sais, nombreux sont tes amis qui te lisent, et, nonobstant le "style" ronchonnesque que tu as donné à ce lieu, ces amis sont pour certains des amis ou des connaissances de "cette copine". Je ne crois pas qu'ils prendront parti, ce serait ridicule.
Mais voici une dispute qui fera peut-être débat, ou qui, pour "cette copine" - qui ne manquera pas de prendre connaissance de ta diatribe publique un jour ou l'autre -, en rajoutera aux larmes versées : ce n'est pas anodin d'être ainsi mis sur le devant de la scène, non ?
Donc, voilà, je me pose des questions :
Pourquoi en faire l'écho ? Se justifier ? Se venger ? annihiler l'ennemi(e) ? Poursuivre un combat de Don Quichotte contre les petites trahisons dont tout un chacun est à un moment ou à un autre le félon forfanteur ? MAIS QUELLE BRUNE ?

TH

TH - 11.09.07 à 18:24 - # - Répondre -

Re: nanmaiquel'histoire!

Tu sais très bien quelle brune...

Sinon, mes raisons sont assez simples : c'est que je n'ai pas envie de continuer à culpabiliser pour des conneries, et parce que quelqu'un prend un malin plaisir à m'agresser, fût-ce mollement. Bref, je me défends. Et puis surtout, comme le dit Léon au-dessus, je ne supporte plus qu'on me reproche d'être intolérant au seul prétexte que je n'aime pas le caca ambiant. Un peu d'exigence ne fait pas de mal, non ?

Je ne demande à personne de prendre parti, tu t'en doutes forcément. Les gens sont grands et personnellement je ne suis pas heureux d'avoir eu besoin de me friter avec cette jeune femme par ailleurs attachante (tout comme sa moitié). Mais encore une fois, quand on m'agresse, on me trouve...

60millions - 11.09.07 à 19:24 - # - Répondre -

Re: nanmaiquel'histoire!

Et puis, non, il ne s'agit pas de petite trahison ordinaire. Je sais très bien qu'elle avait un compte à régler avec moi. Les gens ne sont pas obligés de m'aimer. Elle a décidé de régler le compte ; il est réglé... Tant pis. Quand elle est partie, j'ai cru bon de lui dire quand même que je l'aimais bien, ce qui est la stricte vérité. Elle ne m'a pas cru. Probablement qu'elle aime bien le rôle de martyr. Mais on ne peut pas à la fois asticoter/insulter quelqu'un et se plaindre que ce quelqu'un vous envoie sur les roses. Je ne pouvais pas faire autrement. Et je ne pouvais pas non plus ne pas raconter le truc ici : bien sûr qu'elle le lira, et j'en suis fort aise. Si ça peut lui ouvrir un peu les yeux...

60millions - 11.09.07 à 19:25 - # - Répondre -

Ay hombre, attendu que je connais peu tes histoires affectivo-sexuelles, le fait que je "sache très bien" m'autorise quelques hypothèses ô combien réjouissantes !

Comme tu as pu le remarquer, je ne m'immisce pas directement dans cette "sale" histoire : votre relation et votre engueulade "ont leur raison que la raison sûrement ignore", pour paraphraser un dicton bien connu - Ah ! la passion ! -. Et je me refuse à émettre quelque avis.

Métabloguons si tu - vous - me le permets : je m'étonne, et cet étonnement est lié à la publicisation que tu fais de cette incartade. Eh oui, d'un côté, tu conspus avec force conviction les méambres hypocrites et disgracieux de la "société de l'information", et l'un de ses instruments majeurs : la téloche... L'un de ses nouveaux avatars : la télé-réalité ; Société du Spectacle, quand tu nous tiens...

Et puis, de l'autre côté, nous voilà pris dans un enchaînement nous invitant encore et toujours à confier nos émois intimes à nos petites communautés respectives : le blog, par exemple. Certes, le blog, ça fait pas gagner de sous comme la télé-réalité - l'effet de réification n'a donc pas le même but. Mais n'y a t-il pas certains points communs entre la "diffusion de l'intime" par le haut (TF1, M6, e tutti quanti) et la "spectacularisation de l'intime" par le bas (le blog, par ex.) ?

En d'autre termes, si tu souhaitais tant clarifier ta position - et qu'elle la connaisse -, pourquoi ne pas lui envoyer une lettre, un mail, un sms, bref un truc personnel ? Je dubitative donc toujours... Et ainsi qu'indiquer au-dessus, sans animosité aucune (car j'écoute Jésus, ma mère et mes propres expériences qui m'ont appris à "ne pas jeter la première pierre", la culpa étant en moi).

TH

TH - 11.09.07 à 20:21 - # - Répondre -

Re:

C'est simplement de l'écriture, bonne ou mauvaise, mais adressée en effet à un public !

Et le personnage n'en est absolument pas reconnaissable, aucun indice ne permet de la reconnaître et je ne l'ai pas fait par hasard, figure-toi. Contrairement à ce que tu dis, il n'y a peut-être que trois personnes, toi inclus, qui étaient présentes à cette soirée et sont des lecteurs de ce blog. Pour eux, le double lecture est possible, pour les autres, elle ne l'est aucunement.

Je n'ai pas le temps de développer et c'est sans doute tant mieux car tu as quand même le don d'embrouiller formidablement les choses... La Société du spectacle, fais-moi rire !

Donc : j'écris, et j'écris à partir de mon expérience. Je prends ce risque depuis longtemps déjà ici. Mais je respecte toujours l'anonymat de tout le monde, sauf quand c'est pour dire du bien (hein, Philou). Enfin, si je n'ai pas écrit directement à l'intéressée, c'est parce qu'elle ne l'est pas, justement, l'intéressée. Je n'ai pas envie de continuer à parler avec elle (comme je l'ai dit, de toute façon ce n'est pas quelqu'un capable d'écoute), et je n'ai aucun problème insurmontable à régler avec elle : tout est réglé ! Dans la douleur pour elle sans doute, et dans une certaine forme de léger dépit pour moi, c'est vrai, mais bon, c'est ainsi. Absolument aucun besoin de lui dire quoi que ce soit. Et pas le courage de toute façon d'affronter un tel moulin à paroles.

Bien à toi, et ne force donc pas sur la polémique, il n'y en a pas.

60millions - 12.09.07 à 16:20 - # - Répondre -

Re:

« C'est simplement de l'écriture, bonne ou mauvaise... »

En l'espèce, mauvaise.
Du point de vue grammatical, s'entend. Pour le reste, on s'en tamponne : le sujet n'est pas là. Mais, tout de même, monsieur l'auteur, tout de même : « ... depuis ce jour où déjà elle avait pleuré après que je sois parti... », ça déchire les yeux, monsieur, ça les déchire tout cru. Et des yeux déchirés, monsieur l'auteur, réfléchissez-y bien, c'est ce qui vous hante le plus, à tout instant et en tout lieu... Et par exemple aux soirées de monsieur l'ambasseur, lorsque vous tournez autour des pyramides de Ferrero Rocher ® pour retrouver ces yeux que vous déchirez (du fond du coeur) depuis si longtemps.
Bref, après que je vous ai asséné ce petit moment de détente drosophilienne, je me retire en mes e-appartements.
De toute façon, « Les brunes comptent pas pour des prunes ».

Lee Beria Jr - 12.09.07 à 21:00 - # - Répondre -

Re:

Eh oui, « bonne ou mauvaise », c'était encore une façon d'espérer que tout le monde passerait à côté de la vérité. En effet ce texte est exécrable. Mais comme j'ai ce dogme débile en tête qui dicte de ne rien enlever qui ait été publié ici, eh bien je laisse. Quelle honnêteté, bordel !

60millions - 13.09.07 à 01:46 - # - Répondre -

Pourquoi tant de soucis quand on a passé la soirée dans les bras d'une joie brune ?

Pour parler, oui, je sais, c'est important...

Quindicci - 12.09.07 à 12:11 - # - Répondre -

Re:

Soit, soit, supposons tout simplement que le titre m'aura induit en erreur. Ainsi que quelques unes de tes réponses. Et je ne souhaitais pas polémiquer, c'était de la curiosité... Trop bavard, aussi ? Bah...

Hasta luego, camarade auteur.

TH - 12.09.07 à 18:26 - # - Répondre -

et ça continue !

cette histoire n'a que trop durée. On peut imaginer que l'alcool.
On peut imaginer qu'on a des ennemis.
Que de vérités pas bonnes à dire surgissent because déshinibition.
Mais quid de la répétition ?
De cette perte d'énergie à dire ce que tu aurais dit et ce qu'elle t'aurait dit sous l'emprise de, à cause de, etc.
Si on passait à autre chose ? à l'Amitié ?

pdf - 15.09.07 à 16:02 - # - Répondre -

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