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60 millions de social-traîtres II

« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)

When I'm sixty-four

Ce bébé-là, tout en bajoues, les yeux toujours plus ouverts sur le monde, la langue tirée dardée, les jambes fléchies puis tendues brusquement comme un cric manipulé en accéléré, comme si, petit, j'avais besoin de changer une roue alors que je te tiens sous les aisselles, pour n'y rouler aucune confiserie potache, mais simplement pour soulager ta mère qui fait couler le café, et pour profiter un peu de ce que tu es : un petit d'homme de six mois qui me touche comme jamais petit d'homme depuis mes frère et sœur, il y a vingt ans, ne m'a touché.

Pour faire enrager ta mère je t'appelle Balladur, il faut dire que tes joues de hamster sont hallucinantes, l'appel habituel aux gros bisous baveux, mais en plus pneumatiques, si c'était seulement possible. Tu bats tous les records, tes bajoues se projettent vers l'avant, amazing cheeks mon garçon, amazing.

Je ne t'ai pas vu depuis quelques jours, deux semaines peut-être ? mais je pense à toi quand je passe rue du Jour où ta maman, tu ne le sais pas, s'est fait carotter par le patron de Zadig & Voltaire — en face de l'église Saint-Eustache la soupe populaire s'installe, j'attends D. au Quigley's Point, ce moche pub irlandais où passe un match de la Copa Libertadores, cette coupe continentale de football au nom imprimé par l'histoire. Je pense à toi, petit Louis : et je me dis que j'ai envie de vivre au moins trente ans de plus, pour te voir entrer dans la vie adulte, in your thirties je pense, car je me parle souvent tout seul en anglais, in your thirties et je pense que ça rime avec in her panties, je me mets à divaguer, à calculer : zéro plus trente égalent trente, trente-quatre plus trente égalent soixante-quatre, quand j'aurai soixante-quatre ans petit Louis tu en auras trente, à peu près mon âge, celui de ta mère quand nous nous sommes séparés, quand j'aurai soixante-quatre ans, when I'm sixty-four, tiens, une chanson des Beatles, quel étrange hasard —

Nikita Calvus-Mons le 08/02/08 à 00 h 32 dans Littéraire-traître
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