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60 millions de social-traîtres II

« Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (Valerie Solanas)

Coco béton

Saint-Denis le lundi midi, calme et clair. Pas de grand corps malade à l'horizon : ouf. Du béton. J'aime bien ce béton : on ne peut pas comprendre ça si on est né rue de la Pompe ou à Saint-Michel, enfin, si on y a grandi, surtout. Moi je suis né dans le XIVe mais j'ai commencé ma vie consciente à Savigny-sur-Orge : ça marque forcément. Je jouais sur du béton. N'importe quel banlieusard, je crois, bourge ou prolo, ressent forcément une certaine tendresse pour ces architectures saillantes jamais nettoyées, le gris sale des utopies des années soixante-dix, la banlieue parisienne quoi. Moi, revenu à Paris depuis longtemps, ça me balade. Parigot à Saint-Denis. Une terrasse vivante sur une rue piétonne, pas loin de la basilique. Ça jacte à la marseillaise. Ça change des marionnettes branchées de Paname qui s'épuisent à poser en permanence.

La première mauresque de l'année : en terrasse je veux dire. Une vraie mauresque, au soleil. Les murs sont blancs, oui vraiment on dirait le Sud.

Mais il est temps de repartir vers mon Nord qui est au sud. Sur le parvis de la gare RER, on (un vieux type courbé) me tend le programme de la « gauche antilibérale », et un réflexe de Pavlov me voit le saisir genre « Ouais vieux, j'en suis aussi, aujourd'hui au moins », et puis je regarde et c'est le programme de Marie-George Buffet, que je me mets à lire une fois assis à attendre, au soleil encore, le train qui va me ramener sous mon harassante Plus-Belle-Ville-du-monde.

Le programme de la communiste est évidemment un digest consternant de toutes les générosités imaginables, avec en prime la novlangue des débiles paritaires qui s'imaginent encore que c'est réellement respecter les femmes que de rajouter des e et des s partout, de manière totalement inconsidérée. Quel cauchemar ! Grammatical (linguistique même, puisque c'est l'idée même de genre neutre qu'on assassine ici), politique, poétique, érotique, j'en passe... On ne peut qu'imaginer l'ambiance, au sein de la cellule responsable de la rédaction du tract : le quarteron d'imbéciles frileux, populistes sans le savoir, convaincus et investis de l'aura jaunâtre du militant, contraints de jongler phrase après phrase avec le bon sens et la rhétorique, tétanisés d'effroi à l'idée qu'on puisse reprocher à leur prose — prise ici au sens argotique de « gros cul » — d'avoir laissé de côté, oublié, ne serait-ce qu'une seule frange de la populace, du corps des électeurs-teuses-trices potentiel-le-s. Râtissez, salauds, râtissez ! Votre gymnastique du râteau fait peine à voir, mais elle alimente des colères qui vous surprendront, pour notre plus grande joie.

Dans le RER, concentré-e (oui, viendra le jour où même un homme seul sera obligé-e d'ajouter ce foutu e pour ne pas froisser l'hypothétique lectrice-teur s'identifiant à lui, le narrateur-trice !), concentré donc sur le programme de l'ex-ministreuse de la République, me vient l'idée que la sacro-sainte blague raciste, par exemple, à la grande surprise des tristes policiers de la pensée capables de pondre ce genre de « programme », pourrait finalement bien être un indicateur assez fiable de la santé antiraciste d'une société ; que le jour où des abrutis sentencieux comme MGB seront en mesure d'appliquer ce qu'ils professent, légiféreront — en « progressistes », of course — sur tous les aspects de la vie privée et que l'humour sur

1) les négros ;
2) les youpins ;
3) les faces de craie et autres gringos ;
4) les crouilles ;
5) les Flamands (surtout eux) ;
6) les tosmonautes ;
7) les gréco-turcs ;
8) les séfarades ;
9) les ashkénazes ;
10) les macaronis ;
11) les bouffeurs de tapas ;
12) les programmeurs open source (même wagon que les Flamands) ;
13) les inévitables tarlouzes ;
14) les rosbifs ;
15) ces gros débiles de ricains, nuls en géo ;
16) les sournoises faces de citron ;

aura été enfin aboli, que plus personne ne pourra ironiser sur le sujet, que l'idée même de rire d'un accent sera oubliée, comme jamais avenue, hors même de l'immoralité : simplement amorale, eh bien il est fort probable que le racisme, le vrai, l'unique, trouvera à s'exprimer, plus violemment encore que prévu, dans les combats de rue, les pogroms, les ratonnades, les zigouillages de chinetoques, les expéditions punitives sur les stands à kebab (Turc contre Grec, Grec-que-s contre Turc-que-s, hémorroïdaires hystériques contre Turcs et Grecs, indifféremment, qu'ils confondront de toute façon par stricte ignorance, le cerveau aveuglé par le bide en proie au cataclysme post-harissa) ou les dépouillages systématiques des petits bourges blanchis à la chaux de la chaussée d'Antin. Puisqu'on ne pourra plus rire de la connerie des Belges, du nazisme latent des Allemands et de l'incurable cancer britannique, c'est-à-dire de nos plus chers voisins, on sera bien obligé de leur déclarer la guerre très sérieusement.

Ne plus rire de la mort. Ne plus rire de la haine. À la place : à petit feu crever, à grands feux détester ! Voilà le programme des « nazis de gauche » qui nous entourent. Quant à ce qu'ils le comprennent eux-mêmes, c'est une tout autre histoire.

Nikita Calvus-Mons le 26/03/07 à 19 h 37 dans Social-traître
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Commentaires

ah !

chef d'oeuvre mon garçon. chef d'oeuvre. j'en pleure encore tellement j'ai ri.
que dieu vous garde mon fils, que dieu vous garde.

 

Wilhem Guest (à peau) - 26.03.07 à 21:03 - # - Répondre -

Re: ah !

Merci sale boche !

60millions - 26.03.07 à 21:39 - # - Répondre -

Haro

Enculé de réactionnaire fascisto-impérialiste.

Bravo pour ce très bon texte.

Le Gritche - 26.03.07 à 23:39 - # - Répondre -

Re: Haro

Ach ! Le rouge me monte aux joues. Pas que.

60millions - 27.03.07 à 22:59 - # - Répondre -

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